Déclaration: 1 Décembre 2023

Déclaration du Procureur de la Cour pénale internationale, Karim A.A. Khan KC, annonçant sa décision de clore la phase d’enquête à l’égard de la situation en Ouganda

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Prosecutor of the International Criminal Court, Karim A.A. Khan KC

Le 29 juillet 2004, à la suite d’un renvoi par le Gouvernement ougandais, mon Bureau a ouvert une enquête sur la situation en Ouganda à propos de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre relevant de la compétence de la Cour, qui auraient été commis entre le 1er juillet 2002 et le 31 décembre 2005.

Depuis l’ouverture de cette enquête, le Bureau a mené ses travaux en toute indépendance, impartialité et objectivité, en partenariat avec les autorités nationales compétentes, les communautés et les victimes touchées, ainsi que les organisations de la société civile. Les travaux du Bureau l’ont conduit à demander, le 6 mai 2005, la délivrance de mandats d’arrêt à l’encontre de cinq suspects, à savoir Raska Lukwiya, Okot Odhiambo, Vincent Otti, Dominic Ongwen et Joseph Kony, qui comptaient parmi les chefs militaires les plus haut placés de l’Armée de résistance du Seigneur (l’« ARS »). L’ARS est un groupe armé qui a commis de graves violations des droits de l’homme, dont des crimes sexuels et liés au genre et des crimes contre des enfants, dans le nord de l’Ouganda.

À la suite du décès de Raska Lukwiya, d’Okot Odhiambo et de Vincent Otti, la Chambre préliminaire II a mis fin aux procédures s’agissant de trois des cinq mandats d’arrêt délivrés.

Les enquêtes du Bureau ont permis de voir aboutir les poursuites et de déclarer Dominic Ongwen coupable de 61 chefs de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, dont des attaques lancées contre la population civile, l’esclavage sexuel, le mariage forcé et la grossesse forcée, le meurtre, la mutilation, la torture, le pillage, l’enlèvement et d’autres atrocités commises par les combattants de l’ARS placés sous son commandement. Le 6 mai 2021, M. Ongwen a été condamné à 25 ans d’emprisonnement. Le 15 décembre 2022, les décisions relatives à la culpabilité et à la peine de Dominic Ongwen ont été confirmées en appel. Les procédures en réparation sont en cours.

Les résultats concrets obtenus dans l’affaire Dominic Ongwen ont été le fruit des efforts entrepris conjointement avec les survivants et avec nos partenaires de la société civile afin de rendre justice aux victimes de ces crimes, et notamment aux innombrables femmes et enfants touchés. Cette affaire souligne également la volonté inébranlable de mon Bureau de poursuivre en priorité les crimes sexuels et liés au genre et les crimes commis à l’encontre d’enfants.

À ce jour, M. Joseph Kony, le commandant en chef de l’ARS et le dernier suspect dans la situation en Ouganda, est toujours en fuite. Le 28 novembre 2022, dans l’idée de marquer une première avancée vers la justice qu’attendent les nombreuses victimes des crimes qu’il aurait commis, mon Bureau a déposé une requête auprès de la Chambre préliminaire II pour demander l’autorisation de tenir une audience de confirmation des charges portées contre lui en son absence. Le 23 novembre 2023, la Chambre préliminaire a ordonné à mon Bureau de déposer un document de notification des charges avant le 19 janvier 2024. Le Bureau est déterminé à poursuivre ses efforts pour faire avancer ces poursuites.

Aujourd’hui, j’ai décidé qu’outre l’affaire en cours à l’encontre de M. Kony, mon Bureau n’ouvrirait pas de nouveaux axes d’enquête dans la situation en Ouganda. Dès lors, en l’absence d’un changement important de circonstances et sans préjudice du travail nécessaire pour appuyer la procédure judiciaire en cours, la phase d’enquête sur la situation en Ouganda est close. Les autorités compétentes de la République d’Ouganda ont été notifiées de cette décision.

Il est essentiel de prendre de telles décisions pour définir et mettre en œuvre une stratégie efficace en matière de poursuites. Étant donné l’ampleur des crimes dont est saisie la CPI, il est de mon devoir de faire usage du pouvoir d’appréciation dont je dispose en vertu du Statut de Rome pour gérer l’exercice de mon mandat en toute efficacité. Mes intentions ont toujours été claires depuis que j’ai pris mes fonctions en juin 2021 : je ne veux pas continuer à faire des promesses trop ambitieuses aux survivants et aux familles de victimes et à leur présenter des résultats inférieurs à leurs attentes. Pour obtenir des résultats significatifs, nous devons sérieusement examiner comment déployer nos ressources au mieux pour garantir un effet maximum en faveur des personnes touchées par des crimes relevant de notre compétence, et ce, dans le monde entier.

Il nous faut absolument définir un plan de situation et adopter des stratégies de clôture connexes, ce qui cadre aussi avec l’espoir croissant et légitime de voir la Cour explorer les voies et les possibilités qui s’offrent à elle de poursuivre son action dans les nombreuses situations soumises à son examen dans la limite des moyens dont elle dispose. Le processus d’examen de la Cour par des experts indépendants, sollicité par l’Assemblée des États parties, a également mis cette nécessité en évidence.

La clôture de la situation en Ouganda ne sonne pas la fin des activités menées par le Bureau à cet égard. Mon Bureau va maintenant s’employer à obtenir des résultats convaincants dans les poursuites engagées à l’encontre de Joseph Kony. Nous continuerons à joindre nos forces à celles du Greffe de la CPI et de nos partenaires pour parvenir à son arrestation.

Le travail qui nous incombe, ainsi qu’à toutes les instances chargées d’établir les responsabilités des auteurs de crimes internationaux, nécessite l’engagement à long terme d’acteurs nationaux, régionaux et internationaux, d’organisations de la société civile et d’autres. Dans cet esprit et dans le cadre de cette décision, mon Bureau cherchera à renforcer ses relations avec les institutions ougandaises, dans le but d’optimiser et de soutenir les efforts déployés pour établir les responsabilités au sein d’un cadre de coopération amélioré. Les principes de complémentarité et de coopération ne peuvent être respectés que si la Cour, les États parties et les partenaires agissent de concert pour assumer les lourdes responsabilités envisagées par le Statut de Rome et exigées par les victimes.

Pour terminer, je tiens à remercier sincèrement toutes les parties prenantes, que ce soit les organisations régionales, internationales ou de la société civile, ou encore les autorités nationales, pour leur coopération continue et de longue date. À l’aube de cette nouvelle phase que nous entamons dans la situation en Ouganda, nous restons déterminés à renforcer notre action commune en vue de lutter contre l’impunité.

Pour en savoir plus sur la situation en Ouganda, veuillez cliquer ici. Pour plus de détails sur les « examens préliminaires » et les « situations et affaires » portées devant la Cour, veuillez cliquer ici et ici.

Source: Bureau du Procureur | Contact: [email protected]