Bureau du Procureur

Le Bureau du Procureur (« le Bureau ») est un organe indépendant de la Cour. Il est chargé d'examiner les situations relevant de la compétence de la Cour dans lesquelles un génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre ou d’agression paraissent avoir été commis, et de conduire les enquêtes et les poursuites contre les individus qui seraient les principaux responsables de ces crimes. Pour la première fois dans l'histoire, un procureur international a été chargé, par un nombre sans cesse croissant d'États, de sélectionner de manière indépendante et impartiale les situations susceptibles de faire l'objet d'une enquête, dans lesquelles des atrocités sont commises ou ont été commises sur leur territoire ou par leurs ressortissants. Au même titre que les juges de la Cour, le Procureur et le procureur adjoint sont élus par l'Assemblée des États parties pour un mandat de neuf ans non renouvelable.

Qui travaille au Bureau du Procureur et comment fonctionne t il ?

Le Bureau bénéficie des services d’environ 380 fonctionnaires dévoués de plus de 80 nationalités différentes, notamment des juristes, des enquêteurs et des analystes, des experts psychosociaux, des personnes possédant une expérience en matière de diplomatie et de relations internationales, d’information du public et de communication, etc.

Le Procureur actuel est M. Karim Khan KC du Royaume-Uni et ses Procureurs adjoints sont M. Mame Mandiaye Niang (Sénégal) et Nazhat Shameem Khan (Fidji).

Les conditions à réunir pour que le Bureau du Procureur débute ses activités

En vertu de l'article 13 du Statut de Rome, la Cour peut exercer sa compétence dans des situations répondant à l’une des trois conditions énoncées dans ledit article lorsque des crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis. Dans les trois cas, le Procureur doit procéder à une évaluation indépendante et impartiale avant de décider d’ouvrir une enquête :

  1. Tout État partie au Statut de Rome peut renvoyer une situation au Procureur et prier celui-ci de mener une enquête. Le Procureur ouvrira une enquête si les conditions juridiques applicables sont réunies.

  2. Le Conseil de sécurité des Nations unies peut également déférer une situation au Procureur, qui ouvrira une enquête si les conditions juridiques sont réunies.

    • C’est le scénario observé, à ce jour, dans les situations au Darfour (Soudan) et en Libye.

  3. Enfin, le Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre initiative. Il peut décider d'ouvrir une enquête – s'il décide de donner suite, il doit obtenir l'autorisation préalable des juges de la Cour.

  4. Un État non partie au Statut de Rome peut également consentir à ce que la Cour exerce ponctuellement sa compétence, en déposant une déclaration en vertu de l'article 12‑3 du Statut de Rome. Une déclaration ad hoc se distingue d’un renvoi et nécessite en outre le déclenchement de la compétence de la Cour ; il existe deux modalités de déclenchement : le renvoi de la situation par un ou plusieurs États parties ou une demande d’autorisation à enquêter adressée aux juges par le Procureur.

La compétence de la Cour peut être exercée à l'égard de tout crime visé par le Statut de Rome commis sur le territoire d'un État partie ou par des ressortissants de cet État. Il en va de même lorsqu'un État non partie au Statut dépose une déclaration auprès de la Cour.

La seule exception à ce qui précède concerne le renvoi d’une situation par le Conseil de sécurité de l'ONU en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui peut se rapporter à toute situation impliquant un État membre de l'ONU (y compris en ce qui concerne le territoire d'un État non partie au Statut de Rome).

Oui, s'ils sont soupçonnés d'avoir commis des crimes visés par le Statut de Rome sur le territoire d'un État partie ou d'un État qui a déposé une déclaration ad hoc.

Oui. La Cour peut enquêter sur des allégations de crimes relevant du Statut de Rome commis par des ressortissants d'États parties n'importe où dans le monde (même s'ils n'ont pas été commis sur le territoire d'un État partie).

Examens préliminaires

Tout individu, groupe ou État peut envoyer des informations au Bureau du Procureur concernant des crimes présumés relevant de la compétence de la Cour. À ce jour, le Bureau a reçu plus de 12 000 communications à ce titre, lesquelles peuvent servir de fondement aux examens préliminaires du Bureau.

Le Bureau procède à un examen préliminaire pour déterminer s’il existe une base raisonnable pour ouvrir une enquête.

Dans le cadre de cet examen, le Bureau est tenu d’évaluer et de vérifier un certain nombre de critères juridiques, notamment les suivants : vérifier que les crimes ont été commis après le 1er juillet 2002, date d’entrée en vigueur du Statut de Rome, traité fondateur de la Cour ; déterminer si les crimes ont été commis sur le territoire d’un État partie ou par un ressortissant d’un État partie (sauf si la situation a été déférée par le Conseil de sécurité) ; s’il s’agit de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou d’un génocide ; évaluer la gravité des crimes ; vérifier qu’il n’y a pas d’enquête ou de poursuites en cours pour les mêmes crimes à l’échelle nationale ; et examiner s’il y a des raisons de penser que l’ouverture d’une enquête ne servirait pas les intérêts de la justice et des victimes.

Il incombe en premier lieu aux autorités nationales d’enquêter et de poursuivre les principaux responsables de la commission de crimes de masse. Conformément aux critères juridiques énoncés dans le Statut de Rome, la Cour n’ouvrira d’enquête que si les autorités nationales n’ont pas assumé cette responsabilité première et en l’absence de véritables poursuites à l’échelle nationale.

Lorsque le Bureau estime qu’il dispose de suffisamment d’éléments de preuve pour établir devant les juges qu’un individu est responsable d’un crime relevant de la compétence de la Cour, il demande aux juges de délivrer un mandat d’arrêt ou une citation à comparaître.

Le Statut de Rome ne prévoit pas de délai pour mettre un terme à un examen préliminaire. Selon les faits et les circonstances de chaque situation, le Procureur peut décider de : i) ne pas ouvrir d’enquête ; ii) continuer de recueillir des informations sur les crimes et les poursuites menées au niveau national en vue de prendre une décision ; ou iii) d’ouvrir une enquête, sous réserve d’une autorisation des juges.

Les examens préliminaires permettent également au Bureau d’encourager les autorités nationales à assumer leur responsabilité première, à savoir mener elles mêmes des enquêtes ou des poursuites. Conformément aux critères établis par le Statut de Rome, si le Bureau estime qu’il doit ouvrir une enquête, il le fera sans hésiter. Les considérations politiques n’interviennent jamais dans la prise de décision du Bureau.

Enquêtes

Afin de mener ses enquêtes, le Bureau procède le plus souvent comme suit : il envoie des missions — généralement composées d’enquêteurs, de conseillers en coopération et, le cas échéant, de procureurs — dans les pays concernés, il recueille et examine les différents éléments de preuve, et interroge un éventail de personnes allant des individus faisant l’objet de l’enquête aux victimes et témoins. Lorsqu’il entreprend ces activités, le Bureau compte sur l’aide et la coopération des États parties, des organisations internationales et régionales, ainsi que de la société civile.

Afin de réunir des preuves, le Bureau détermine les incidents les plus graves et identifie les principaux responsables de ces crimes. Le Bureau est tenu de réunir des éléments de preuve tant à charge qu’à décharge pour établir la vérité sur une situation donnée. Les informations à décharge seront communiquées aux équipes de la Défense dans le cadre de la procédure.

Demande de délivrance d’un mandat d’arrêt ou d’une citation à comparaître

En se fondant sur les éléments de preuve recueillis pendant l’enquête, le Bureau peut présenter une requête aux juges de la CPI, leur demandant de délivrer un mandat d’arrêt ou une citation à comparaître.

Si les juges estiment qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une personne a commis un crime relevant de la compétence de la Cour, ils délivreront un mandat d’arrêt pour garantir que la personne comparaîtra, qu’elle ne fera pas obstacle à l’enquête ou à la procédure devant la Cour, ni n’en compromettra le déroulement, ou qu’elle ne poursuivra pas l’exécution du crime concerné.

Une fois délivrés et même si les arrestations sont retardées, les mandats d’arrêt sont valables à vie. Une fois arrêtés, les suspects sont détenus au quartier pénitentiaire de la Cour.

Les juges peuvent également délivrer des citations à comparaître, lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’une citation est suffisante pour garantir la comparution de la personne concernée. Les accusés visés par une citation à comparaître se présentent volontairement devant la Cour et ne sont ni arrêtés ni détenus par la Cour.

Poursuites

Une fois que la personne visée par un mandat d’arrêt ou une citation à comparaître est détenue par la Cour ou décide de se présenter volontairement devant la Cour, le Bureau devra d’abord convaincre les juges, durant la phase préliminaire, qu’il possède suffisamment d’éléments de preuve pour renvoyer l’affaire en jugement. Les juges devront alors décider s’il convient de confirmer, de rejeter ou de réexaminer les charges portées par le Bureau du Procureur à l’encontre de l’accusé.

Si les juges confirment les charges, l’affaire est renvoyée en jugement. Au procès, le Bureau est le premier à présenter sa cause et il lui incombe de démontrer que l’accusé est coupable au delà de tout doute raisonnable.

Le Bureau peut présenter les éléments de preuve sous forme de documents, d’autres objets ou de témoignages ; les témoins à charge sont également interrogés par la Défense, et inversement.

Dans le cadre de la procédure, le Bureau communique à la Défense les informations tant à charge qu’à décharge. Le Bureau est tenu de rassembler ces deux catégories d’informations pendant son enquête, pour établir la vérité sur une situation donnée.

Une fois que le Bureau a présenté tous ses éléments de preuve, c’est au tour de l’accusé, avec l’aide de son conseil, de présenter sa défense.