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Martin’s story: The Hague trial in Gulu town

Le récit de Martin : Le procès de La Haye dans la ville de Gulu

Depuis l'audience de confirmation des charges en janvier 2016, des projections vidéo en direct, en particulier dans la ville de Gulu, dans le nord de l'Ouganda, ont permis aux victimes et aux communautés affectées de suivre en temps réel, avec un siège au premier rang, la procédure judiciaire dans le procès de Dominic Ongwen. L'intention était la même le 10 mars 2020, lors de la présentation des déclarations de clôture dans cette affaire.  Le procès a commencé en 2016, sur la base de crimes présumés qui auraient été commis depuis 2002, lors d'un conflit armé entre l'Armée de résistance du Seigneur et les autorités nationales.

Le lieu où la projection aurait lieu était fin prêt et n’attendait plus que l'arrivée des premiers visiteurs. Dès 8h30, quelques heures avant la projection, les premiers membres de la communauté étaient déjà arrivés sur les lieux. Principalement des personnes âgées, qui ont parcouru de longues distances pour assister aux déclarations de clôture. La salle se remplissait rapidement, avec environ 400 personnes assises : femmes, personnes âgées, leaders, groupes de victimes, personnes handicapées.

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Our program kicked off at around 11:00, one hour before the screening, with the recap of the past stages of the trial, short questions and answers session and the explanation of what was to happen during the presentation of the closing arguments.

Notre programme a débuté vers 11h00, une heure avant la projection, avec un récapitulatif des étapes passées du procès, une brève session de questions-réponses et l'explication de ce qui allait se passer lors de la présentation des déclarations de clôture. C'est toujours un plaisir de voir la profonde compréhension qu’on les gens d’un processus judiciaire complexe comme celui de l’affaire Dominic Ongwen. Ils connaissent les charges, les lieux concernés par l’affaire, même les principaux arguments des parties et des participants. Ces connaissances sont le témoignage que la participation est en quelque sorte une responsabilisation.

À exactement midi, le grand écran du projecteur, monté devant la « Cour » à Gulu, diffusait les images en direct. On entend « Dano weng gu-aa malo » (la traduction Acholi de « Veuillez-vous lever! »).  Comme cela est devenu la pratique lors des activités de sensibilisation, toutes les retransmissions en direct ont été faites en Acholi, la langue principalement parlée par les victimes et les communautés du nord de l'Ouganda.

Un silence glaçant a suivi dans l'assistance, alors que l'affaire était présentée et que le juge président donnait la parole à l'Accusation, qui prendrait le reste de la journée pour ses conclusions orales. Les avocats des victimes furent les deuxièmes à présenter leurs arguments, tandis que le troisième jour fut réservé à la Défense. Au milieu d'une communauté calme mais pleinement engagée dans les débats, les sessions de 90 minutes, suivies de pauses d'une demi-heure, se sont rapidement transformées en sessions de questions-réponses.

On entend de nouveau « Dano weng gu-aa malo! » depuis les haut-parleurs. À notre grande surprise, tout le monde dans la salle de projection de Gulu s'est levé en conformité. Absorbés par la procédure, les personnes qui assistaient au procès vivaient l'atmosphère même de la procédure dans la salle d'audience de La Haye. Si ce que nous souhaitions était de faire vivre l'expérience du procès et de la salle d'audience aux victimes et aux communautés affectées de Gulu, alors c'était un signe clair que nous nous étions surpassés !

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If you sense a pinch of satisfaction, or even a little pride in my tone, you are not mistaken.

Si vous ressentez une pincée de satisfaction, ou même une pointe de fierté dans mon ton, vous ne vous trompez pas. En tant que chargé de la sensibilisation, j'ai vécu ce procès avec les victimes. J'ai entendu leurs peurs, leurs frustrations et leurs doutes. J'ai également vu leur patience pendant ce long processus. Voir les communautés de Gulu se lever alors que l’huissier de justice annonce « Veuillez-vous lever! » est une démonstration apparemment simple, mais très forte, de la raison pour laquelle nous faisons ce que nous faisons : permettre aux victimes et aux communautés affectées de participer au procès. Pendant trois jours, la salle d'audience est passée du siège de la Cour à La Haye au siège du district de Gulu, les victimes et les communautés affectées occupant le premier dans l’assistance.

Alors que nous attendons que les juges rendent le verdict dans l'affaire Dominic Ongwen, je suis convaincu que les victimes et les communautés du nord de l'Ouganda ont été responsabilisées et ont participé de manière significative au processus judiciaire. Je suis honoré de faire partie de leur processus.