Une Présidente, une moustiquaire et un voyage à pied… ou comment un événement de sensibilisation a pu voir le jour
Avec Maria Kamara
Je quittais Gulu pour me rendre à Lukodi, dans le nord de l’Ouganda, où je devais tenir une grande réunion de sensibilisation, lorsque nous avons dû nous arrêter en raison des fortes pluies. J’étais inquiète car, ce jour‑là, les habitants du village de Lukodi allaient avoir l’occasion de rencontrer la Présidente de la CPI, Mme la juge Silvia Fernández de Gurmendi, ainsi que des hauts représentants du Fonds au profit des victimes, et je tenais à ce que rien ne vienne gâcher cet événement. Comme d’habitude, je comptais arriver tôt afin de veiller à ce que tout soit prêt. On a beau organiser un événement du mieux possible, il y aura toujours des choses qui ne se passeront pas comme prévu.
À notre arrivée à Lukodi, le terrain était un véritable bourbier et seules 10 personnes étaient déjà présentes. Une participation aussi faible était inhabituelle ; nous nous attendions à accueillir des centaines de personnes. Rien auparavant n’avait dissuadé cette communauté persévérante et enthousiaste de venir à la rencontre de fonctionnaires de la CPI, surtout s’il s’agissait de la Présidente de la Cour ! J’ai alors abordé un chef de communauté qui m’apprit qu’à cause de la pluie, les villageois s’étaient rendus au village voisin de Lagwiny où une ONG humanitaire distribuait des moustiquaires. Ce village « voisin » se trouvait toutefois à 45 minutes à pied.
Je devais trouver une solution. Pendant que l’on dressait les tentes et que l’on disposait les chaises, je me mis à réfléchir… Les moustiquaires étaient évidemment essentielles après des pluies intenses ; d’après le Ministère de la santé, en 2016, la malaria était la principale cause de mortalité en Ouganda. Les gens avaient donc besoin de moustiquaires. Toutefois, d’ici à ce qu’ils ne soient de retour, ils seraient probablement fatigués et auraient faim et ne seraient sans doute pas en mesure de se concentrer sur les questions à poser à la Présidente. Seraient‑ils même de retour à temps ? Ils rateraient peut-être cet événement tant attendu. Puis l’idée m’est venue : ils avaient besoin de quelque chose de rapide et de facile, quelque chose comme….des bus.
Mon collègue Jimmy a passé quelques coups de fil et a réussi à trouver trois minibus pour affréter les villageois. Lorsque j’ai vu le premier bus arriver, je me suis sentie mieux – nous avions trouvé une solution. Les gens étaient soulagés et beaucoup ont eu le temps de rentrer chez eux installer les moustiquaires avant de revenir sur les lieux de l’événement. Lorsque la Présidente Fernández et la délégation du Fonds au profit des victimes sont arrivées à Lukodi, plus de 900 personnes étaient présentes et nous avons commencé la réunion « comme prévu ». Personne n’a remarqué les moustiquaires que des membres de la communauté tenaient encore dans les mains.
L’intérêt des membres de la communauté était évident et leur volonté de partager leurs réflexions directement avec des responsables de la Cour était palpable. Comme l’a dit un membre d’une des communautés touchées, « chaque visite d’un responsable de la Cour est l’occasion pour nous, communautés qui avons enduré de grandes souffrances, de dialoguer et d’échanger nos vues sur les procédures menées par la CPI ».