Il y a des victimes et des témoins dont je me souviendrai toute ma vie. Je pense à un témoin en particulier, que j'ai rencontré il y a plusieurs années. Lorsqu'elle est venue témoigner à la Cour, elle était à peine majeure.
Elle avait survécu à des violences sexuelles en temps de conflit. Pendant l’audience, elle a dû raconter des faits épouvantables. Malgré tout, elle a pu expliquer l’impact que tout cela avait eu sur sa jeune vie. Elle a apporté des preuves précieuses.
Elle semblait si fragile et avait peur de parler. Mais tout au long de son témoignage, nous l'avons littéralement vue grandir et prendre confiance en elle, et à la fin, elle était si fière de ce qu'elle avait fait et se sentait plus forte.
En tant que psychologues, nous défendons les droits des témoins et des victimes en les écoutant et en veillant à ce que leur expérience avec la Cour soit digne et qu'ils reçoivent le soutien qu'ils méritent.
Nous avons ont recours à des outils fondés sur des preuves. Nos évaluations nous permettent de comprendre les vulnérabilités et les forces d'un témoin. Nous les accompagnons tout au long de leurs témoignages et sommes là pour les aider.
Notre équipe parle aux témoins et aux victimes de ce dont ils ont peur et de ce que le processus signifie pour eux, pour leur vie. (Photo: Frank Schinski)
Dans une salle d'audience, chaque mot compte et les émotions sont amplifiées. Les témoins et les victimes peuvent se sentir très exposés et vulnérables, mais parfois aussi très responsabilisés et vus. Cela a un gros impact psychologique. (Frank Schinski)
Je me suis intéressée à la justice lorsque j’étais en poste au Rwanda. Je travaillais aux côtés de conseillers en traumatisme locaux. Beaucoup de femmes avec lesquelles nous avions travaillé étaient victimes de violences sexuelles…
… et elles avaient ce fort souhait de raconter leur histoire. J'ai trouvé fascinant que cela soit une force si positive pour elles. C'est devenu mon cheminement de carrière. J'ai ensuite eu la chance de créer une unité d'aide aux témoins au TSSL.
Je suis devenue l'une des premières psychologues à travailler dans les mécanismes de justice internationale. Suivre ma passion a fait de moi une pionnière et j'en suis toujours très reconnaissante.
J'ai rejoint la Cour en 2009. Avant mon arrivée, le premier procès de la CPI venait de commencer, dans l'affaire Lubanga. L'un des premiers témoins est venu témoigner : un ancien enfant soldat.
Assis dans le box des témoins, il s'est totalement figé. Le procès a dû être suspendu. Le juge avait alors insisté pour qu’il y ait un psychologue au sein du personnel de la CPI, comme le prévoit le Statut de Rome, pour évaluer et soutenir les témoins.
Ceci s’est passé le 4 février. Le 6 février, je recevais l'appel téléphonique. Et le 13 février, j'étais ici, en tant que la première psychologue de la CPI dans ce rôle. Je suis arrivée à la Cour et notre équipe a commencé à développer …
… tout le système d'évaluation psychologique et de soutien aux victimes et aux témoins. Nous avons construit le système à partir de rien. Tout au long de ma carrière, j'ai rencontré des centaines de témoins et de victims.
J'ai vu que, si on leur donne l'espace et le soutien dont ils ont besoin pour raconter leur histoire, les survivants de crimes atroces peuvent être des témoins très importants. Témoigner peut être un moyen puissant de regagner sa dignité.
Je suis impressionnée par l'espoir et le courage des témoins et aux victimes. Ils veulent la justice. L'expérience m'a montré que nous pouvons aussi jouer un rôle important, si nous nous concentrons sur ce qui compte dans la vie des gens.