Déclaration: 5 Décembre 2023

Le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale publie son nouveau Document de politique générale relatif aux crimes liés au genre : déclaration du Procureur Karim A.A. Khan KC

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Fort des leçons apprises pendant près de dix ans, mon Bureau a entrepris d’élaborer un nouveau Document de politique générale relatif aux crimes liés au genre qui guidera et renforcera notre travail, et nous permettra d’enquêter sur ces atrocités traditionnellement négligées et de les poursuivre avec la rigueur nécessaire. Preuve concrète de notre volonté d’accorder la priorité aux crimes liés au genre, cette politique générale apporte des clarifications, donne des orientations et nous permet de prendre pleinement en compte les crimes liés au genre dans toutes les situations et à chaque étape de notre travail.

Les crimes liés au genre sont largement sous‑estimés. Les survivants hésitent souvent à faire part de ce qu’ils ont vécu pour de nombreuses raisons, notamment la crainte d’être stigmatisés ou rejetés, la peur de représailles, ou la méconnaissance de la procédure pénale. Et pourtant, nombreux sont ceux qui ont soif de justice. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour créer un espace sûr permettant aux survivants de se manifester et de nous dire ce qu’ils savent, ce qu’ils ont vécu. Il est de notre devoir de constituer ensuite les dossiers les plus solides possibles et de saisir la justice. Telle est notre mission. Nous avons l’obligation morale de le faire.

La politique générale que nous vous présentons aujourd’hui est une révision de fond du Document de politique générale relatif aux crimes sexuels et à caractère sexiste publié par le Bureau du Procureur en 2014. Elle reflète la position de mon Bureau, qui considère que tous les crimes visés par le Statut de Rome peuvent impliquer des formes de violence sexuelle, reproductive ou d’autres formes de violence fondée sur le genre, qu’elles aient été ou non traditionnellement considérées comme telles.

La nouvelle politique générale identifie aussi les principes qui sous‑tendent notre action sur les crimes liés au genre, qui comprennent l’adoption d’une perspective intersectionnelle, l’acquisition des connaissances nécessaires pour lutter contre les mythes, les stéréotypes et les idées fausses sur ces crimes, et l’adoption d’une approche centrée sur les survivants et d’une démarche tenant compte des traumatismes dans tout ce que nous faisons. Nous reconnaissons en outre que ce n’est qu’à l’issue d’une enquête approfondie tenant compte de la dimension de genre et d’une analyse minutieuse et intersectionnelle que nous pouvons déterminer la nature, la signification et les répercussions, du point de vue du genre, d’un comportement dans une affaire.

Lorsqu’il est question de crimes visés par le Statut de Rome impliquant des formes de violence sexuelle, reproductive ou d’autres formes de violence liée au genre, nous devons nous assurer de suivre ce guide — et de comprendre ce qui nous est donné à voir — dans toutes nos situations, y compris en Afghanistan, au Bangladesh/Myanmar, en République centrafricaine, au Darfour, au Soudan, au Mali et dans l’État de Palestine.

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Cette politique générale va nous aiguiller et alimenter nos manuels des opérations internes. Je la vois également comme un guide appelé à évoluer, que nous appliquerons de l’étape de l’examen préliminaire à la détermination de la peine et aux réparations, et qui pourra être révisé au fur et à mesure que nous tirerons de nouveaux enseignements.

Avec le Document de politique générale relatif au crime de persécution liée au genre publié l’année dernière et le Document de politique générale relatif aux enfants qui sera publié cette semaine, cette publication s’inscrit dans le cadre d’une série d’initiatives visant à renforcer notre capacité à lutter contre les crimes liés au genre et les crimes visant ou touchant les enfants, ainsi que les normes en la matière. Ces thèmes sont au cœur de notre Plan stratégique 2023‑2025, dans lequel nous nous sommes engagés à assurer l’efficacité des enquêtes et des poursuites concernant ces crimes. Par ces politiques générales, nous aspirons aussi à contribuer à l’élaboration d’une jurisprudence internationale et de bonnes pratiques.

Je tiens à remercier Kim Thuy Seelinger d’avoir mené le processus de révision de la politique générale, guidée par la Procureure adjointe Nazhat Shameem Khan. Mme Kim Thuy Seelinger est mon ancienne conseillère spéciale sur les violences sexuelles en situation de conflit. Elle est aujourd’hui la coordonnatrice principale chargée des crimes liés au genre et des crimes visant ou touchant les enfants du Bureau du Procureur. Je remercie également mes conseillères spéciales, Véronique Aubert (crimes visant ou touchant les enfants), Lisa Davis (persécutions liées au genre) et Patricia V. Sellers (crimes d’esclavage), qui ont apporté leur contribution tout au long du processus.

Cette politique générale est le fruit d’un vaste processus de consultation qui a impliqué les membres du personnel, notamment de l’Unité des violences sexistes et des enfants du Bureau du Procureur, la société civile, le monde universitaire et les communautés touchées. L’appel international à contributions a été suivi de consultations avec 128 experts externes issus de 40 pays, en juillet et en septembre 2023. Nous remercions tous les partenaires du Bureau qui ont contribué à ce qui, j’en suis convaincu, va opérer un changement de paradigme dans notre approche des crimes liés au genre. Nous espérons que cette politique générale constituera une ressource précieuse pour nos collègues, même en dehors de la CPI.

Grâce aux fondations solides sur lesquelles repose ce processus collectif et inclusif, nous pouvons désormais mettre cette politique générale en œuvre dans les efforts que nous déployons au quotidien pour mettre les victimes, les survivants et les témoins au centre de notre action.

Source: Bureau du Procureur | Contact: [email protected]