Déclaration: 12 février 2021

Déclaration du Procureur de la CPI, Mme Fatou Bensouda, à l’occasion de la Journée internationale contre l’utilisation des enfants soldats

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Je m'associe aujourd'hui aux nombreuses personnes à travers le monde qui célèbrent la Journée internationale contre l'utilisation des enfants soldats et qui sont déterminées à mettre un terme à l'utilisation d'enfants dans le cadre de guerres et de conflits armés et aux exactions que subissent ces derniers dans ce contexte. En tant que Procureur de la Cour pénale internationale (« CPI » ou la « Cour »), ce sujet important a toujours été en tête de mes préoccupations et de celles de mon Bureau.

La plupart des crimes visés par le Statut de Rome, le traité fondateur de la Cour, peuvent avoir des répercussions directes ou indirectes sur les enfants, qu'il s'agisse des effets dévastateurs de leur utilisation comme soldats ou esclaves sexuels et domestiques ou de la privation de leurs droits fondamentaux d'accéder à une éducation et de vivre leur vie d'enfant.

La première affaire portée devant la CPI dans la Situation en République démocratique du Congo – Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo – s'est focalisée sur l'enrôlement et la conscription d'enfants âgés de moins de 15 ans et leur utilisation pour les faire participer activement à des hostilités comme enfants soldats. La déclaration de culpabilité rendue en 2012 par la Cour dans cette affaire a marqué un tournant pour la justice, en soulignant la nécessité de prendre en toute urgence des mesures concrètes pour éradiquer ce fléau. L'aboutissement de cette affaire a permis de faire clairement savoir au monde entier qu'il est inadmissible d'utiliser des enfants soldats et que les auteurs de tels crimes devront rendre des comptes.

Dans l'exercice de son mandat, mon Bureau s'est toujours efforcé de présenter des chefs d'accusation à l'égard de ces crimes, qu'il s'agisse de l'enrôlement et de l'utilisation d'enfants soldats, de violences sexuelles et à caractère sexiste ou d'autres crimes commis contre les enfants ou ayant une incidence sur eux, lorsque les éléments de preuve recueillis le permettaient.

Dans cette optique, mon Bureau a inscrit les enquêtes et poursuites relatives à ces crimes dans un de ses objectifs stratégiques clés, afin d'accroître son efficacité et de pouvoir inclure ces crimes de façon systématique pour qu'ils reçoivent toute l'attention qu'ils méritent. Nous avons élaboré des documents de politique générale détaillés afin de mieux guider notre action à cet égard (voir les politiques relatives aux crimes sexuels et à caractère sexiste et aux enfants adoptées par mon Bureau).

La mise en œuvre de ces politiques nous a permis d'avoir gain de cause dans une autre affaire dans la Situation en République démocratique du Congo : l'affaire Le Procureur c. Bosco Ntaganda. En juillet 2019, pour la première fois dans l'histoire du droit pénal international et en particulier du droit international humanitaire, les juges de première instance ont prononcé une déclaration de culpabilité pour des actes de violence sexuelle commis par des individus à l'encontre de membres de leur propre groupe armé. Nous avons pu démontrer grâce à cette affaire que nous sommes déterminés à utiliser et même à renforcer le cadre légal pour protéger les enfants dans les conflits armés.

L'impact de la politique déclarée de mon Bureau à l'égard de ces crimes graves peut également se mesurer aux résultats récemment obtenus à l'issue du procès mené dans l'affaire Le Procureur c. Dominic Ongwen. Le verdict de culpabilité à l'encontre de l'accusé, l'un des plus hauts commandants de l'Armée de résistance du Seigneur en Ouganda, pour plus de 60 chefs d'accusation a marqué une étape importante en sanctionnant notamment des crimes sexuels et à caractère sexiste et des crimes commis contre des enfants et, pour la première fois devant la Cour, le crime de mariage forcé et celui de grossesse forcée. L'accusé, qui devait répondre d'enrôlement et de conscription d'enfants âgés de moins de 15 ans pour les faire participer activement à des hostilités, brisant ainsi d'innombrables vies, en particulier celles d'enfants, privés d'éducation et d'une existence normale, a également été reconnu coupable de ces chefs d'accusation.

Les enfants eux-mêmes ont joué un rôle actif et crucial à la CPI. Leur présence prépondérante au cœur de notre action, en tant que victimes et témoins, nous rappelle chaque jour qu'aucun d'eux ne devrait jamais participer à la guerre. Leur parole et leurs récits des mauvais traitements inqualifiables qu'ils ont subis ne doivent pas être passés sous silence et la loi doit répondre à leur détresse en gardant toujours à l'esprit leur intérêt supérieur.

Compte tenu du préjudice irréparable causé aux enfants lors d'un conflit, la communauté internationale doit redoubler d'efforts pour empêcher que des crimes ne soient commis contre les enfants et ne les touchent, et pour y répondre. Mon Bureau continuera de s'acquitter de sa mission dans les limites juridiques du Statut de Rome.

Un crime commis contre un enfant est un affront à l'humanité tout entière.


Le Bureau du Procureur de la CPI mène des examens préliminaires, des enquêtes et des poursuites à propos du crime de génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et du crime d'agression, en toute impartialité et en toute indépendance. Depuis 2003, le Bureau enquête sur plusieurs situations relevant de la compétence de la CPI, notamment en Afghanistan (demande de sursis à enquêter présentée au titre de l'article 18 en suspens), au Bangladesh/Myanmar, au Burundi, en Côte d'Ivoire, au Darfour (Soudan), en Géorgie, au Kenya, en Libye, au Mali, en Ouganda, en République centrafricaine (deux situations distinctes) et en République démocratique du Congo. Le Bureau conduit également des examens préliminaires à propos des situations en Bolivie, en Colombie, en Guinée, aux Philippines et au Venezuela  (I et II) et vient d'en achever deux sur les situations en Ukraine et au Nigéria, dans l'attente de la soumission de demandes d'autorisation d'ouvrir une enquête.


Source: Bureau du Procureur | Contact: [email protected]