Affaire Al-Bashir : la Chambre préliminaire II de la CPI décide de ne pas renvoyer la non-coopération de l'Afrique du Sud à l'AEP ou au CSNU
Aujourd'hui, le 6 juillet 2017, lors d'une audience publique, la Chambre préliminaire II de la Cour pénale internationale (« CPI » ou « la Cour »), composée des juges Cuno Tarfusser, président, Chang-ho Chung et Marc Perrin de Brichambaut, ce dernier ayant publié une opinion individuelle minoritaire, a rendu une décision constatant que l'Afrique du Sud n'avait pas respecté ses obligations en ne procédant pas à l'arrestation et la remise d'Omar Al-Bashir à la Cour alors qu'il se trouvait sur le territoire sud-africain entre le 13 et le 15 juin 2015. Toutefois, la Chambre a estimé qu'il n'était pas nécessaire de renvoyer cette question à l'Assemblée des États parties (« AEP ») ou au Conseil de sécurité des Nations Unies (« CSNU »).
La Chambre a estimé que, aux fins de la situation au Darfour, le Soudan est dans une situation analogue à celle des Etats parties au Statut de Rome à la suite de la résolution du CSNU, en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, qui déclenche la compétence de la Cour dans la situation au Darfour et impose au Soudan l'obligation de coopérer pleinement avec la Cour. En conséquence, étant donné que l'article 27-2 du Statut s'applique au Soudan, les immunités d'Omar Al-Bashir en tant que Chef d'Etat en vertu du droit international coutumier ne s'appliquent pas vis-à-vis des États parties au Statut de Rome dans l'exécution de la demande d'arrestation et de remise de la Cour pour des crimes relevant de sa compétence qui auraient été commis au Darfour (Soudan). La Chambre a donc constaté que les États parties au Statut de Rome ont le devoir d'exécuter les mandats d'arrêt émis par la Cour et de mettre en œuvre la demande de la Cour en vue de l'arrestation d'Omar Al-Bashir et de sa remise à la Cour. La Chambre a également ajouté que l'Accord sur la tenue du Sommet de l'Union africaine, selon ses propres termes, ne conférait pas d'immunité aux chefs d'État présents au Sommet. Enfin, la Chambre a constaté que les arguments soulevés par l'Afrique du Sud concernant les interactions avec la Cour entre le 11 et le 13 juin 2015 n'ont pas d'influence sur sa conclusion selon laquelle l'Afrique du Sud avait l'obligation d'arrêter Omar Al-Bashir et de le remettre à la Cour alors qu'il se trouvait sur le territoire sud-africain. Pour ces raisons, la Chambre a conclu que, en n'arrêtant pas Omar Al-Bashir qui alors se trouvait sur son territoire du 13 au 15 juin 2015, l'Afrique du Sud a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du Statut de Rome, empêchant ainsi la Cour d'exercer ses fonctions et pouvoirs en vertu du Statut dans le cadre de la procédure pénale engagée à l'encontre d'Omar Al-Bashir.
Néanmoins, la Chambre a considéré, compte tenu de son pouvoir discrétionnaire, qu'un renvoi du manquement de l'Afrique du Sud à l'AEP et / ou au CSNU n'était pas nécessaire. Pour parvenir à cette conclusion, la Chambre a estimé que l'Afrique du Sud était le premier État partie à demander à la Cour une décision finale sur l'étendue de ses obligations concernant l'exécution d'une demande d'arrestation et de remise d'Omar Al-Bashir. En outre, la Chambre n'était pas convaincue qu'un renvoi à l'Assemblée des États Parties et / ou au Conseil de sécurité soit nécessaire pour assurer la coopération de l'Afrique du Sud, compte tenu du fait que les tribunaux nationaux d'Afrique du Sud ont déjà constaté que l'Afrique du Sud a manqué à ses obligations en vertu de son cadre juridique interne et que toute autre question concernant les obligations de l'Afrique du Sud en vertu du Statut ont été résolue par la Chambre dans sa décision du 6 juillet 2017.
La Chambre a pris sa décision à l'unanimité mais le juge Marc Perrin de Brichambaut a publié une opinion individuelle minoritaire expliquant que le Soudan et l'Afrique du Sud sont des Parties contractantes à la Convention sur le génocide. Les Parties contractantes à cette Convention ont implicitement renoncé aux immunités dont jouissent leurs fonctionnaires d'État, y compris les chefs d'État en fonction, aux fins de poursuites pour crime de génocide. Il est rappelé que la Cour a émis un mandat d'arrêt contre Omar Al-Bashir, après avoir constaté qu'il y avait des motifs raisonnables de croire qu'il serait responsable de crime de génocide. Il en découle que l'Afrique du Sud avait l'obligation d'arrêter et remettre Omar Al-Bashir à la Cour, car elle n'aurait pas agi de de façon incompatible avec les « obligations qui lui incombent en droit international en matière d'immunité […] d'une personne […] d'un État tiers » au sens de l'article 98-1 du Statut.
Programme audiovisuel « Demandez à la Cour » :
Contexte : La situation au Darfour (Soudan) a été déférée à la Cour par le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies dans sa résolution 1593 du 31 mars 2005. Le Procureur a ouvert une enquête en juin 2005. Le 4 mars 2009 et le 12 juillet 2010, la Cour a délivré deux mandats d'arrêt à l'encontre de Omar Hassan Ahmad Al-Bashir pour cinq chefs de crimes contre l'humanité (meurtre, extermination, transfert forcé de population, torture et viol), deux chefs de crimes de guerre (fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement aux hostilités et pillage), et trois chefs de génocide à l'encontre des groupes ethniques des Four, Masalit et Zaghawa.
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