Outreach story: 3 juillet 2021

Accès à l’information quelle que soit la distance

Image
Access to information, no matter the distance

Tout le monde – du grand public, aux médias, au secteur des ONG – tout le monde en République centrafricaine attendait les déclarations d'ouverture du procès dans l'affaire Alfred Yekatom et Patrice-Edouard Ngaïssona le 16 février 2021 devant la Cour pénale internationale (CPI). Les deux présumés anciens chefs du mouvement Anti-Balaka sont accusés de crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui auraient été perpétrés fin 2013 et au cours de l’année 2014, dans divers endroits de la République centrafricaine (RCA). En ce moment, l'Accusation appelle ses témoins.

Quelques mois plus tard, je songe à notre tâche principale à l'époque et à l'heure actuelle : faire en sorte que les informations provenant de la salle d'audience de La Haye, à des milliers de kilomètres de là, parviennent à ceux qui s'y intéressent en RCA.

On pourrait penser qu'à l’époque de l'Internet, ceci ne poserait pas de problème. Mais l’Internet n'est pas présente partout et à tout moment. Pour l’ouverture du procès, nous devions faire un effort supplémentaire pour trouver un moyen de le retransmettre ; pour les habitants des zones éloignées mais aussi de Bangui – alors que le nombre de cas de COVID-19 ne cessait d’augmenter, et à la suite de la flambée de violence de décembre 2020 qui avait secoué la République centrafricaine.

Tout semblait être en place pour empêcher le public de suivre ce procès.

Quelle alternative ?

De nombreux journalistes et autres membres de la société civile gardent le contact au quotidien avec la Cour pour connaître le calendrier du procès, mais également pour savoir comment le suivre.

Pour ce procès, le Bureau de la Sensibilisation de la CPI en RCA comptait sur une retransmission continue. Malheureusement, face aux défis logistiques, sécuritaires et sanitaires, nous étions limités. Mais, j’avais confiance que l'écho irait au-delà de Bangui, vers Berbérati, Bouar, Birao ou Bria, et aussi au-delà des frontières de la Centrafrique. Ceci grâce aux médias.

Nous avons dû chercher un moyen et un endroit  pour diffuser le procès. Nous avions besoin d'un partenaire fiable, et nous l’avons trouvé au sein de la Cour pénale spéciale (CPS).

Image
Access to information, no matter the distance

Le bureau de la CPI en RCA, le cas échéant, compte tenu de l'indépendance de chaque juridiction, coordonne régulièrement des activités avec les juridictions nationales et la Cour pénale spéciale – une cour hybride, composée de magistrats internationaux et nationaux, établie par les Nations Unies et le gouvernement centrafricain. Ces acteurs sont impliqués dans la justice transitionnelle et la réconciliation en RCA. Les trois juridictions indépendantes – la CPI, la CPS et la justice nationale – ainsi que tout un éventail d'acteurs de la justice, œuvrent toutes pour la justice en RCA. Nos efforts de communication les uns avec les autres servent un même objectif : mettre fin à l'impunité.

Image
Access to information, no matter the distance

Le jour des déclarations d’ouverture, plus de 130 personnes – représentants de victimes, autorités internationales et nationales, et journalistes – se sont rendues à la Cour pénale spéciale à Bangui et y ont suivi les déclarations en direct, malgré les milliers de kilomètres qui les séparaient de la salle d’audience de la CPI. L'émotion était très présente parmi les participants.

La salle a frissonné lorsque l'Accusation a dressé la liste des charges. Les participants ont ensuite écouté attentivement les interventions de la Défense et des Représentants légaux des victimes.

Image
Access to information, no matter the distance

« L’ouverture du procès est le début de la manifestation de la vérité » : ces mots nous sont parvenus après.

« Le procès donnera de l'espoir à ceux qui n'ont pas toujours confiance en la justice. Dans nos associations respectives, les membres sont parfois découragés. Ils s'inquiètent de la lenteur des procédures. Mais je pense qu'avec l'ouverture de ce procès, nous reviendrons vers eux pour leur dire que la justice a commencé à faire son travail », a ajouté l’une des responsables des associations de victimes.

Image
Access to information, no matter the distance

Le grand écran installé dans la salle de la Cour pénale spéciale pour la diffusion du procès faisait partie d'une campagne en cours, « Le Grand Débat sur la Justice », conçue pour permettre l'accès à l'information à tous. Ce mécanisme, aujourd'hui connu du grand public grâce aux émissions radio et de grandes affiches urbaines, est une alternative qui réduit la distance entre le lieu du procès et le public.

Quelques mois plus tard, je me demande : malgré la distance, malgré la pandémie, sommes-nous parvenus à permettre l'accès à l'information ? En entendant les voix des victimes et leur soif de justice, je pense oui.