Déclaration: 10 juillet 2023

Le Procureur de la CPI, Karim A. A. Khan KC, conclut sa deuxième visite au Bangladesh : « Les Rohingya ne doivent pas être oubliés. Ensemble, nous pouvons répondre à leurs attentes légitimes de justice. »

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Prosecutor with Rohingya women

Je viens tout juste d’achever ma deuxième visite au Bangladesh. Dans le cadre de cette mission, nous avons réaffirmé à la communauté rohingya, et en particulier au 1,1 million de réfugiés qui se trouvent actuellement au Bangladesh, que nous restons déterminés à établir véritablement les responsabilités concernant les souffrances qu’ils ont endurées.

Je suis profondément reconnaissant de la cordialité et de l’ouverture d’esprit avec lesquelles nous avons été reçus. Dans les camps de réfugiés de Kutupalong, je me suis entretenu avec un groupe de femmes qui ont abordé avec clarté et intérêt leurs expériences personnelles et leur besoin primordial que justice soit faite. J’ai également rencontré des groupes de jeunes dont l’énergie et l’envie de jouer leur propre rôle au service de la justice ont été une véritable source d’inspiration pour notre travail. La volonté des Rohingya de rester convaincus que justice sera faite et de poursuivre leurs démarches en ce sens, malgré ce qu’ils ont vécu, nous oblige et nous pousse à redoubler d’efforts.

Lors de mes échanges avec la communauté rohingya, j’ai également pu présenter les grandes lignes des travaux menés par mon Bureau sur le terrain depuis ma précédente visite afin de faire progresser nos enquêtes, et notamment :

  • l’organisation de 11 missions de longue durée de fonctionnaires au cours de l’année écoulée afin d’auditionner des témoins et de recueillir des éléments de preuve ; 
  • les activités continues d’enquête et d’analyse par l’équipe affectée à cette enquête ;
  • la tenue de plus de 50 réunions avec des organisations de la société civile afin d’appuyer les enquêtes et de mieux faire comprendre notre travail ;
  • l’accueil d’organisations de Rohingya à La Haye afin d’approfondir les discussions sur la persécution liée au genre et les crimes contre les enfants.

J’ai également pu informer les personnes que j’ai rencontrées que nous allions encore renforcer les ressources consacrées à cette enquête :

  • Je déploie des ressources provenant du Fonds au profit des victimes établi par mon Bureau afin d’augmenter les capacités d’enquête en matière de crimes sexuels et liés au genre et de crimes contre les enfants ;
  • J’ai annoncé cette semaine la nomination de M. Essa Faal, avocat chevronné qui a précédemment dirigé la Commission vérité et réconciliation en Gambie, à la tête de l’équipe chargée de l’enquête sur la situation Bangladesh/Myanmar ; et
  • Je sollicite des ressources supplémentaires de la part des États dans le cadre de notre budget pour 2024 afin d’intensifier encore nos actions dans le cadre de cette situation.

Cette semaine, j’ai eu l’honneur de m’entretenir de nouveau avec leurs Excellences Mme Sheikh Hasina, Première Ministre du Bangladesh, et M. A.K. Abdul Momen, Ministre d’État des affaires étrangères. J’ai également eu le plaisir de rencontrer S. E. M. Masud Bin Momen, Secrétaire aux affaires étrangères, et M. Mizanur Rahman, responsable de la Commission chargée de l’aide aux réfugiés et du rapatriement. 

Comme je l’ai indiqué à S. E. Mme la Première Ministre, mon Bureau et la Cour pénale internationale (la « Cour ») dans son ensemble doivent beaucoup au Bangladesh, pays qui a toujours démontré son engagement pour la cause de la justice internationale.

J’ai également adressé mes remerciements personnels à S. E. Mme Sheikh Hasina pour son appui sans faille au travail de la Cour. Lors de notre entretien, nous avons progressé dans le renforcement de notre coopération entre mon Bureau et le Gouvernement du Bangladesh.

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Prosecutor with Bangladesh PM

La réunion avec Mme Gwyn Lewis, coordonnatrice-résidente des Nations Unies, et M. Johannes van der Klaauw, Directeur de pays pour le HCR, nous a permis d’identifier de nouveaux moyens de renforcer notre coopération sur place, tout en mettant en lumière les difficultés importantes que rencontrent les organismes internationaux pour fournir l’appui nécessaire à la communauté rohingya dans un contexte de réduction du soutien des donateurs.  

J’ai été profondément touché par le fait que, depuis mars dernier, les familles se trouvant dans les camps ne peuvent recevoir de la nourriture que pour deux repas par jour, contre trois auparavant. Ce problème a des répercussions non seulement sur le plan humanitaire, mais aussi du point de vue de la sécurité, de la stabilité et de la sûreté dans les camps, et une réponse doit y être apportée de toute urgence.

Cette situation a également mis en évidence un thème central de l’ensemble de mes entretiens au Bangladesh.

L’Etat de droit, à l’échelle nationale ou internationale, repose sur la conviction commune que chacun a son mot à dire et doit être respecté. Laisser passer l’argument inexact, mais puissant, selon lequel le droit s’applique à une certaine zone géographique ou faisant valoir qu’une communauté touchée mérite davantage de soutien qu’une autre, c’est affaiblir à terme les fondations du sol sur lequel nous nous tenons tous.  

C’est la raison pour laquelle le renforcement de notre travail avec l’ensemble de nos partenaires, qu’il s’agisse des Rohingya au Bangladesh, de la population du Darfour, des victimes de violences en Colombie, des communautés dans l’État de Palestine ou de nos partenaires en Ukraine est si important. En montrant le fruit de notre action, toutes situations confondues, dans le cadre de vraies priorités, nous renforcerons l’Etat de droit à l’échelle internationale, au service de tous.

L’espoir dans les yeux de celles et ceux que j’ai rencontrés dans les camps cette semaine est un sentiment que nous devons tout faire pour protéger et défendre, non seulement pour les Rohingya, mais pour tout le monde, dans notre intérêt à tous.  

Mon équipe va donc continuer d’accélérer ses travaux dans les jours, semaines et mois à venir, en partenariat avec l’ensemble des communautés et des États qui sollicitent notre soutien. Dans cette démarche, nous nous appuierons sur l’aide et le partenariat constants de la communauté internationale dans son ensemble.

De plus amples informations sur les « enquêtes préliminaires » et les « situations et affaires » examinées par la Cour sont disponibles ici, et ici.

Source: Bureau du Procureur | Contact: [email protected]