Déclaration: 28 novembre 2023

Déclaration du Procureur de la Cour pénale internationale, Karim A.A. Khan KC, concernant la table ronde réunissant des ONG sur l’adoption d’une approche tenant mieux compte des traumatismes dans les enquêtes et les poursuites

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Statement of the Prosecutor of the International Criminal Court, Karim A.A. Khan KC, on NGO roundtable on trauma-informed approach to investigations and prosecutions

Les 27 et 28 novembre 2023, mon Bureau a eu le plaisir d’accueillir 124 représentants de 56 organisations de la société civile au siège de la Cour pénale internationale (la « CPI ») à La Haye, venus de 36 pays pour prendre part à une table ronde sur l’adoption d’une approche tenant mieux compte des traumatismes dans les enquêtes et les poursuites.

Cette troisième table ronde thématique réunissant des organisations de la société civile, qui s’inscrivait dans le prolongement de la première, organisée en novembre 2022 et axée sur les crimes commis contre des enfants ou ayant un impact sur eux, et de la deuxième, tenue en mai dernier sur le thème du crime de persécution liée au genre, est celle qui a remporté le plus de succès en termes de participation depuis que nous avons réaffirmé notre volonté de renforcer les échanges avec nos partenaires de la société civile autour de thématiques, à l’occasion d’événements organisés deux fois par an.

Dans l’idée de souligner l’importance des relations étroites que nous entretenons avec les représentants des organisations de la société civile, lors de cette table ronde, nous nous sommes intéressés aux domaines de convergence entre la protection de la santé mentale et les efforts déployés pour établir les responsabilités des auteurs de crimes, et nous avons reconnu le devoir qui nous incombe de protéger la sécurité et le bien‑être des victimes et des témoins ayant subi les effets de la violence et de la criminalité. La discussion a tourné autour de normes, de bonnes pratiques et d’études scientifiques sur le thème du traumatisme.

Dans mon discours d’ouverture, j’ai rappelé que l’adoption d’une approche tenant compte des traumatismes dans les enquêtes et les poursuites est indispensable à deux égards. Premièrement, il est essentiel de comprendre les dangers que représentent la reviviscence traumatique pour les victimes et le traumatisme secondaire pour les enquêteurs et les membres des organisations de la société civile qui, souvent, recueillent des récits atroces relatés dans les moindres détails. Et deuxièmement, il importe d’en tenir compte au regard de la collecte des éléments de preuve. Un témoin qui se sent plus à l’aise ou un survivant qui se sent plus en sécurité se trouvera dans de meilleures conditions pour raconter ce qu’il a vécu de manière exhaustive, ce qui contribuera à l’établissement de solides dossiers à présenter dans le prétoire.

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Statement of the Prosecutor of the International Criminal Court, Karim A.A. Khan KC, on NGO roundtable on trauma-informed approach to investigations and prosecutions

Lors des séances animées par des spécialistes des traumatismes et par le personnel de mon Bureau, les participants ont eu des échanges constructifs sur des sujets tels que l’aide aux victimes de torture et de crimes sexuels et liés au genre, les spécificités des réponses au traumatisme chez les enfants, le traumatisme secondaire ou traumatisme vicariant touchant les professionnels chargés d’amener les auteurs de crimes à rendre des comptes, les expériences interculturelles et régionales, ainsi que les mécanismes de soutien. Et lors de la séance finale, nous nous sommes penchés sur l’approche à adopter pour garantir des poursuites judiciaires tenant mieux compte des traumatismes à la CPI.

Les précieuses contributions pratiques des participants nous permettront d’optimiser la manière dont nous abordons les crimes liés au genre et les crimes commis contre des enfants ou ayant un impact sur eux, et ce, à la veille de la publication, par le Bureau, de deux nouvelles politiques générales sur ces thèmes, en marge de l’Assemblée des États parties, qui se tiendra à New York en décembre.

La table ronde a également offert l’occasion de discuter de la manière la plus efficace de mettre en œuvre le Guide pratique à l’intention des organisations de la société civile sur la collecte d’informations relatives à des crimes internationaux et à des atteintes aux droits de l’homme pour faire respecter l’obligation de rendre des comptes, publié conjointement par mon Bureau et Eurojust l’année dernière. Le débat a porté en particulier sur la nécessité d’éviter de consigner trop d’informations et de faire revivre le traumatisme subi aux témoins et aux victimes.

Les enseignements tirés de cette table ronde serviront de base à l’élaboration, par mon Bureau, d’un manuel sur la prise en compte des traumatismes dans les enquêtes et les poursuites.

De plus, ces travaux destinés à renforcer notre cadre réglementaire rejoignent les efforts consentis pour améliorer la capacité du Bureau à adopter une pratique respectueuse de la dimension traumatique, notamment en s’assurant de la présence d’un expert psychosocial dédié au sein de chaque équipe unifiée amenée à entrer directement en contact avec des témoins et des survivants. Nous nous réjouissons à l’idée de poursuivre cette collaboration avec d’autres acteurs de la société civile lors de notre prochaine table ronde prévue en 2024.

Je tiens tout particulièrement à remercier l’équipe de collègues dévoués qui a contribué au succès de cet événement, rendu possible grâce aux contributions volontaires des États parties au Fonds d’affectation spéciale pour les technologies avancées et les capacités spécialisées du Bureau du Procureur. Et nous en profitons pour remercier sincèrement les États parties pour leur soutien permanent.

Source: Bureau du Procureur | Contact: [email protected]