Affaire Kenyatta : la Chambre de première instance rejette la demande d'ajournement du procès et ordonne à l'Accusation d’indiquer soit le retrait des charges, soit sa disposition pour le procès
Situation : République du Kenya
Affaire : Le Procureur c. Uhuru Muigai Kenyatta
Aujourd'hui, le 3 décembre 2014, la Chambre de première instance V(B) de la Cour pénale internationale (CPI) a rendu une décision rejetant la
demande de l'Accusation aux fins d'un nouvel ajournement de l'affaire à l'encontre d'Uhuru Kenyatta ainsi que la
demande de la Défense de mettre fin à la procédure. La Chambre a ordonné à l'Accusation de déposer, dans une semaine au plus tard, un avis indiquant soit (i) le retrait des charges dans cette affaire, soit (ii) que le niveau d'éléments de preuve s'est amélioré à un degré qui justifierait la tenue d'un procès.
Également aujourd'hui, dans une décision distincte, la Chambre a rejeté une demande de l'Accusation de prendre acte de la non-coopération du Gouvernement kényan et d'en référer à l'Assemblée des États Parties (AEP) au Statut de Rome de la CPI.
Décision rejetant un nouvel ajournement de l'affaire
Dans sa décision rejetant la demande de l'Accusation aux fins d'un nouvel ajournement de l'affaire, la Chambre a noté un certain nombre d'éléments, y compris le fait que l'Accusation a reconnu que les éléments de preuve demeuraient insuffisants pour soutenir une déclaration de culpabilité et qu'elle a reconnu également qu'il demeure spéculatif de savoir si l'information recherchée dans sa demande de coopération serait, si obtenue, suffisante pour étayer les charges. La Chambre a également noté le droit de l'accusé à être jugé sans retard excessif et à la présomption de son innocence. La Chambre a conclu qu'un autre ajournement serait contraire aux intérêts de la justice dans ces circonstances. La Chambre a également tenu compte des intérêts légitimes des victimes, y compris celui de voir les responsables de crimes traduits en justice. Toutefois, la Chambre a souligné que ces intérêts devaient être en équilibre avec d'autres intérêts de la justice, et, à la lumière des circonstances mentionnées ci-dessus, a constaté qu'il ne serait pas dans l'intérêt de la justice, ou des victimes, que la procédure soit encore ajournée sur la base actuelle.
Ayant statué sur la demande d'ajournement, la Chambre a indiqué que l'approche appropriée serait un retrait des charges par l'Accusation, à moins que le niveau d'éléments de preuve se soit suffisamment amélioré pour permettre la poursuite du procès. En outre, la Chambre a indiqué que, dans le cas d'un retrait des charges, sa décision ne porterait pas atteinte au droit de l'Accusation de présenter de nouvelles charges contre l'accusé à une date ultérieure, sur la base des circonstances de fait identiques ou similaires, si l'Accusation obtenait des éléments de preuve suffisants pour soutenir cette approche.
Decision on Prosecution's application for a further adjournment
Décision relative à la coopération du Gouvernement kényan
Le 29 novembre 2013, l'Accusation a demandé à la Chambre de prendre acte d'un manque de coopération du Gouvernement kényan, alléguant que le Gouvernement ne s'est pas conformé à une demande de produire des documents financiers et d'autres documents relatifs à M. Kenyatta.
Après avoir examiné les arguments des parties et participants sur cette question, la Chambre a rejeté, aujourd'hui, la demande de référer cette question à l'Assemblée des États Parties. Après une évaluation détaillée, la Chambre a conclu que l'approche du Gouvernement du Kenya concernant la coopération n'avait pas respecté la norme de bonne foi dans la coopération qui est exigée des États parties en vertu du Statut de Rome. En particulier, la Chambre a conclu que le Gouvernement kényan n'avait pas pris de mesures significatives pour exiger la production des documents demandés par le Procureur de la CPI. Selon la Chambre de première instance V (b), le manquement du Gouvernement kényan a affecté la capacité de la Cour de s'acquitter de ses fonctions et pouvoirs, et en particulier, de la fonction attribuée à la Chambre en vue de la recherche de la vérité.
Cependant, concernant le potentiel de contribuer à un procès équitable qu'aurait un référé à l'AEP, la Chambre a noté son rejet de la demande d'ajournement. La Chambre a aussi noté, entre autres, le retard de l'Accusation dans la conduite de ses enquêtes et dans le suivi de la demande de coopération. La Chambre a souligné que la question du manquement du Gouvernement du Kenya, concernant la demande de l'Accusation, aurait dû être soulevée à un stade bien antérieur ; elle a estimé que cela aurait atténué de façon significative l'impact que ce manquement a eu sur la procédure dans cette affaire.
En conclusion, malgré l'expression de fortes préoccupations concernant l'approche du Gouvernement du Kenya, la Chambre a exercé son pouvoir discrétionnaire en ne référant pas cette question à l'Assemblée des États Parties, étant donné que la Chambre n'était pas convaincue que ceci faciliterait un procès équitable, servirait les intérêts de la justice, ou serait approprié compte tenu des circonstances particulières.
Les parties peuvent demander l'autorisation de la Chambre de faire appel de ces décisions.
Contexte
M. Kenyatta est accusé en tant que coauteur indirect de cinq chefs de crimes contre l'humanité (meurtre, déportation ou transfert forcé de population, viol, persécution, et autres actes inhumains) qui auraient été commis pendant les violences post-électorales au Kenya en 2007-2008. Les charges à son encontre ont été confirmées le 23 janvier 2012 et l'affaire a été renvoyée en procès devant la Chambre de première instance V(b).
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