Le Procureur de la CPI, M. Karim A.A. Khan QC, ouvre une enquête sur la situation au Venezuela et conclut un Mémorandum d’accord avec le Gouvernement vénézuélien
Je suis tout juste de retour à La Haye au terme d'une mission fructueuse à Caracas, en République bolivarienne du Venezuela. Entre le 31 octobre et le 3 novembre 2021, j'ai noué des échanges constructifs et francs avec de hauts responsables du Gouvernement, des membres du corps diplomatique et des représentants de la société civile.
Je tiens à adresser mes sincères remerciements aux autorités vénézuéliennes de nous avoir invités et d'avoir dialogué avec les membres de ma délégation et moi-même dans le cadre d'une visite officielle brève mais constructive. En ce qui concerne les responsables du Gouvernement, les membres de ma délégation et moi-même avons rencontré à plusieurs reprises la Vice-Présidente ainsi que le Ministre des affaires étrangères de la République. Nous avons en outre tenu des réunions avec le Procureur général de la République, le Président du Tribunal suprême, le Défenseur du peuple, le Président de l'Assemblée nationale ainsi que d'autres responsables gouvernementaux.
J'ai particulièrement apprécié que le Président de la République, Son Excellence M. Nicolás Maduro Moros, ait dialogué directement avec moi lors de réunions qui ont duré près de 10 heures durant les trois jours de la visite. Nous avons eu des discussions sans détour mais toujours courtoises et constructives. Je remercie vivement le Président, les autres responsables du Gouvernement et les parties prenantes d'avoir échangé ainsi avec ma délégation et moi‑même tout au long de notre visite.
Depuis ma prise de fonction en qualité de Procureur de la Cour pénale internationale (la « CPI » ou la « Cour »), j'ai analysé les conclusions qui avaient été tirées de l'évaluation de la situation durant le mandat de mon prédécesseur, tout en m'efforçant également d'engager un dialogue fructueux avec les autorités vénézuéliennes afin de pérenniser et de renforcer la coopération prévue par le Statut de Rome.
Le Venezuela est un État partie au Statut de Rome depuis le 7 juin 2000, date de ratification du Statut par ce pays. Le Bureau du Procureur (le « Bureau ») a amorcé un examen préliminaire de la situation au Venezuela en février 2018. Quelques mois plus tard, le 27 septembre 2018, le Bureau a reçu un renvoi adressé par un groupe d'États parties au Statut de Rome demandant l'ouverture d'une enquête portant sur des crimes contre l'humanité qui auraient été commis sur le territoire du Venezuela.
Comme je l'ai déclaré à plusieurs reprises, les examens préliminaires ne sont pas voués à se prolonger indéfiniment et doivent être clôturés dès que les critères prévus par le Statut de Rome ont été soigneusement évalués à l'aune des renseignements pertinents en notre possession.
Il existe parfois des malentendus quant au rôle de l'examen préliminaire, ce qu'il est et ce qu'il n'est pas. Il est donc important de souligner que le processus d'examen préliminaire est un mécanisme de filtrage. À ce jour, aucune enquête n'a encore été menée au Venezuela par mon Bureau. Aucune cible ni suspect n'ont été identifiés à ce stade de la procédure. C'est seulement au travers d'une enquête en bonne et due forme que la vérité pourra être découverte. À cet égard, j'ai fait valoir, lors des différentes réunions que j'ai tenues à Caracas, qu'il incombe à mon Bureau d'enquêter tant sur les éléments à charge qu'à décharge au regard de l'article 54‑1‑a du Statut de Rome, afin d'établir la vérité.
L'enquête, qui est désormais ouverte, ne constitue pas une voie à sens unique. Ce n'est que le début d'un processus.
Les autorités vénézuéliennes considèrent que les conditions ne sont pas réunies pour ouvrir une enquête. Malgré cette divergence de point de vue, et c'est tout à leur honneur, elles ont accepté de coopérer avec mon Bureau au moment où s'ouvre cette nouvelle étape. Des membres de mon Bureau et moi-même avons été invités à revenir en visite au Venezuela. Parallèlement à l'enquête que nous allons à présent amorcer, je poursuivrai ma réflexion afin de définir des modes de coopération et de dialogue constructifs avec les autorités et l'ensemble des parties prenantes pour faire éclater la vérité.
Mon Bureau apportera son soutien à toute initiative sincère et constructive prise par le Gouvernement vénézuélien en vue de réformer et de revitaliser son appareil judiciaire et ses juridictions pénales, afin d'établir les responsabilités pour les crimes allégués commis au Venezuela et de rendre véritablement justice aux victimes. Le principe de complémentarité constitue la pierre angulaire du Statut de Rome et continue de jouer un rôle important durant la phase d'enquête.
Le dialogue constructif et dense qui s'est noué avec les autorités vénézuéliennes lors de ma visite à Caracas a donné lieu à la signature conjointe d'un
Mémorandum d'accord le 3 novembre 2021, au Palais présidentiel. Ce mémorandum ouvre la voie à une collaboration et une coopération étroites dans la phase suivante de cette situation que nous venons d'amorcer. Ainsi qu'il est précisé dans le Mémorandum et comme je l'ai annoncé publiquement, l'examen préliminaire de la situation au Venezuela (Venezuela I) a été clôturé au terme d'un processus approfondi et indépendant qui a permis de conclure qu'il existait une base raisonnable justifiant l'ouverture d'une enquête.
Je suis rassuré et satisfait que la signature de ce Mémorandum d'accord acte l'engagement du Venezuela et de mon Bureau à travailler ensemble dans un esprit de collaboration, en toute indépendance et impartialité et sans déroger au principe de complémentarité, ainsi qu'à continuer de coopérer et de se porter mutuellement assistance. Il s'agit de la meilleure façon de promouvoir les valeurs et principes du Statut de Rome.
Enfin, bien que nous soyons conscients des débats et fractures politiques qui agitent le Venezuela et du contexte régional, il est important que mon Bureau bénéficie de l'espace et de la latitude nécessaires pour accomplir sa mission comme il se doit. Nous mènerons notre action en toute indépendance, loin des arrière-pensées politiques. C'est en qualité de fonctionnaires de la Cour et conformément aux valeurs et principes du Statut de Rome que nous nous acquittons de notre devoir. Comme je l'ai déjà mentionné, nous verrons d'un très mauvais œil toute tentative de récupération politique de l'ouverture de cette enquête, dans l'objectif de politiser le travail indépendant de mon Bureau.
Nous nous devons d'être suffisamment raisonnables et responsables pour encourager et appuyer tout individu ou toute autorité qui fait un pas de plus en direction du droit et des principes promus par le Statut de Rome. À terme, à force de patience, de coopération, de professionnalisme et de persévérance, la vérité sera établie. Je demande à tous de faire preuve de patience et de nous appuyer dans notre action au moment où nous franchissons une nouvelle étape de ce processus.
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Mémorandum d’accord entre la République bolivarienne du Venezuela et le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale :
Anglais | Espagnol
Le Bureau du Procureur de la CPI mène des examens préliminaires, des enquêtes et des poursuites à propos du crime de génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et du crime d’agression, en toute impartialité et en toute indépendance. Depuis 2003, le Bureau enquête sur plusieurs situations relevant de la compétence de la CPI, notamment en Afghanistan (dans l’attente de l’autorisation judiciaire de reprise de l’enquête après la demande initiale de sursis à enquêter présentée au titre de l’article 18), au Bangladesh/Myanmar, au Burundi, en Côte d'Ivoire, au Darfour (Soudan), en Géorgie, au Kenya, en Libye, au Mali, en Ouganda, en Palestine, aux Philippines, en République centrafricaine (deux situations distinctes), en République démocratique du Congo. Le Bureau conduit également des examens préliminaires à propos des situations en Bolivie, en Guinée, au Venezuela II et en a récemment achevé deux autres portant sur les situations au Nigéria et en Ukraine (dans l’attente de demandes d’autorisation d’ouvrir une enquête).
Acabo de volver a La Haya al término de una productiva misión en Caracas, República Bolivariana de Venezuela. Del 31 de octubre al 3 de noviembre de 2021 mantuve deliberaciones constructivas y francas con funcionarios gubernamentales de alto rango, miembros del cuerpo diplomático y representantes de la sociedad civil.
Expreso mi agradecimiento a las autoridades de Venezuela por su invitación oficial y por los contactos mantenidos con mi delegación y con mi persona en el marco de una agenda corta pero significativa. Por lo que se refiere a los funcionarios gubernamentales, mi delegación y yo nos reunimos en varias ocasiones con el Vicepresidente y con el Ministro de Relaciones Exteriores de la República. Además, celebramos reuniones con el Fiscal General, el Presidente del Tribunal Supremo de Justicia, el Defensor del Pueblo, el Presidente de la Asamblea Nacional y otros funcionarios del Estado.
Cabe destacar en particular que el Presidente de la República, el Excmo. Sr. Nicolás Maduro Moros, interactuó directamente conmigo a lo largo de tres días en el marco de reuniones que duraron en total casi 10 horas. Aunque las deliberaciones fueron francas, en todo momento fueron cordiales y obedecieron a un espíritu constructivo. Doy las gracias al Presidente,& a otros funcionarios y partes interesadas, por haber interactuado de esta manera con mi delegación y conmigo durante toda nuestra visita.
Desde que empecé a desempeñar el cargo de Fiscal de la Corte Penal Internacional ("CPI" o "Corte"), he estado evaluando las conclusiones alcanzadas por mi predecesora sin dejar de seguir buscando un diálogo genuino con las autoridades venezolanas a fin de mantener y profundizar la cooperación prevista en el Estatuto de Roma.
Venezuela ratificó el Estatuto de Roma el 7 de junio de 2000 y desde entonces ha sido Estado Parte del mismo. La Fiscalía abrió un examen preliminar en la situación en Venezuela en febrero de 2018. A los pocos meses, el 27 de septiembre de 2018, la Fiscalía recibió una remisión de un grupo de Estados Partes del Estatuto de Roma solicitando la apertura de una investigación por crímenes de lesa humanidad presuntamente cometidos en el territorio de Venezuela.
Como he repetido en varias ocasiones, los exámenes preliminares no deberían prolongarse excesivamente, sino llegar a su término tan pronto como se hayan evaluado debidamente los criterios previstos en el Estatuto de Roma sobre la base de la mejor información disponible.
A veces surgen malentendidos con respecto a lo que es, y lo que no es, un examen preliminar. En consecuencia, es importante subrayar que el examen preliminar es un mecanismo de filtración. Hasta la fecha, mi Fiscalía no ha realizado investigaciones en Venezuela. No existen ni objetivos ni sospechosos en la fase actual de las actuaciones. Sin embargo, la veracidad de los hechos solo puede determinarse mediante la apertura de una investigación formal. A este respecto, en mis diversas reuniones celebradas en Caracas recalqué que el artículo 54, párrafo 1 a), del Estatuto de Roma exige a mi Fiscalía investigar tanto las circunstancias incriminantes como las eximentes a fin de establecer la veracidad de los hechos.
La investigación, que ya se ha abierto, no es un camino de dirección única: es solo el punto de partida de un proceso.
El Gobierno de Venezuela valoraba que no se cumplían las condiciones para abrir una investigación. Pese a ello, considero que se les debe dar gran reconocimiento a que se hayan comprometido a cooperar con mi Fiscalía en el inicio de esta nueva etapa. Se nos ha invitado, a mí y a varios miembros de la Fiscalía, a volver a Venezuela. En paralelo a la investigación que vamos a poner en marcha, seguiré buscando maneras genuinas de cooperación e interacción con las autoridades y con todas las partes interesadas en búsqueda de la verdad.&
Mi Fiscalía respaldará todo esfuerzo sincero y significativo emprendido por el Gobierno de Venezuela para reformar y revitalizar el sistema penal y de justicia a fin de establecer una rendición de cuentas genuina en Venezuela a favor de las víctimas de presuntos crímenes. El principio de complementariedad es el fundamento del sistema del Estatuto de Roma y continuará siendo un principio importante durante la fase de la investigación.&
Prueba del carácter constructivo y sostenido de la interacción mantenida con las autoridades venezolanas durante mi estancia en Caracas es la firma conjunta el 3 de noviembre de 2021 de un
Memorándum de Entendimiento en el Palacio Presidencial. Este Memorándum de Entendimiento sienta las bases para un diálogo y cooperación sostenible mientras avanzamos a la siguiente fase de esta situación. Como deja claro el Memorándum, y como he declarado públicamente, el examen preliminar de la situación en Venezuela (Venezuela I) llega a su término luego de un proceso exhaustivo e independiente por medio del cual se ha concluido que existe fundamento suficiente para abrir una investigación.&
Me reconforta y me complace que con la firma de este Memorándum de Entendimiento, Venezuela y mi Fiscalía se comprometen a trabajar en colaboración de forma independiente e imparcial, pero con pleno respeto al principio de complementariedad, y a la búsqueda de la cooperación y la asistencia mutua. Esta es la mejor manera de promover los valores y principios del Estatuto de Roma.
Por último, aunque no desconocemos el discurso político y las divisiones imperantes en Venezuela ni el contexto regional, es importante que mi Fiscalía cuente con el espacio necesario para realizar su labor. Nuestra labor tendrá lugar de forma independiente y al margen de toda agenda política. Actuamos como funcionarios de la Corte de conformidad con los valores y principios del Estatuto de Roma. Como he declarado antes, no veremos con buenos ojos ningún intento de servirse de la apertura de la investigación para obtener beneficios políticos o politizar la labor independiente de mi Fiscalía.
Debemos ser firmes en nuestros principios para alentar y apoyar a toda persona o autoridad que se aproxime a la ley y a los principios del Estatuto de Roma. En último término, con paciencia, cooperación y profesionalidad decidida se determinará la veracidad de los hechos. Pido paciencia y apoyo mientras que este proceso entra en una nueva fase.&
- Memorándum de Entendimiento entre la República Bolivariana de Venezuela y la Fiscalía de la Corte Penal Internacional: English & |& Español
La Fiscalía de la CPI lleva a cabo exámenes preliminares, investigaciones y enjuiciamientos independientes e imparciales de los crímenes de genocidio, crímenes de lesa humanidad, crímenes de guerra y el crimen de agresión. Desde 2003 realiza investigaciones en varias situaciones que son de la competencia de la CPI, como en Uganda, la República Democrática del Congo, Darfur (Sudán), la República Centroafricana (dos situaciones distintas), Kenya, Libia, Côte d’Ivoire, Malí, Georgia, Burundi, Bangladesh/Myanmar, el Afganistán (en espera de autorización judicial para reanudar la investigación tras una solicitud inicial de suspensión de conformidad con el artículo 18), Palestina y Filipinas. La Fiscalía también lleva a cabo actualmente exámenes preliminares en relación con las situaciones en Bolivia, Guinea y Venezuela II, y ha ultimado sus exámenes preliminares de las situaciones en Ucrania y Nigeria, que están pendientes de la solicitud de autorización para proceder a la investigación.