Image
CAR-activities

Écouteurs et caméra allumés

Avec Charlotte Irigoyen

C'est le début de l'après-midi au siège de la Cour à La Haye, la même heure qu'au bureau de Bangui, en République centrafricaine (RCA), à des milliers de kilomètres d'ici. Écouteurs et caméra allumés, je me prépare à parler avec Maryse et Uziel, des assistants du bureau sur le terrain, qui attendent mon appel vidéo à Bangui. Étant au siège, et ayant une formation en information publique, je suis curieuse d'en savoir plus sur leurs activités quotidiennes, leurs missions dans des endroits comme Carnot, Yaloké, Boda ou Bérberati, et leur travail en contact direct avec les personnes les plus affectées par les crimes.

Jusqu'à présent, j'ai pu observer de première main le travail effectué dans les coulisses à La Haye. Les préparatifs des audiences à l'intérieur et à l'extérieur de la salle d'audience commencent des mois à l'avance. La Cour émet des avis aux médias, rédige des questions-réponses et publie des décisions et le calendrier des audiences sur le site web et les réseaux sociaux. L'objectif est de tenir le public aussi bien informé que possible. Mais le travail au siège n'est qu'une partie du tableau.

En m'asseyant pour l'appel vidéo, je pense à la distance physique qui sépare La Haye des lieux où les crimes auraient été commis. Je remarque aussi immédiatement les vidéos pixelisées de mes deux interlocuteurs, ce qui, en y repensant, laissait présager l'un des défis mentionnés plus tard dans l'appel : la mauvaise connexion internet.

Ne sachant pas s'ils peuvent bien me voir et m'entendre, je commence par la première question : « Comment vous préparez-vous aux audiences qui se déroulent à La Haye ? »

Uziel prend la parole en premier. À mon grand soulagement, la connexion est bonne et je l'entends bien. « Le travail de l'équipe commence bien en avance avec une réunion technique où nous déterminons qui fait quoi, où et quand", explique Uziel. « Les activités comprennent souvent des émissions radio, des retransmissions dans des locaux à Bangui et dans les environs, ou la mise en place de panneaux d'information dans tout le pays », ajoute-t-il.  

Image
CAR-billboards

Lorsque je voie des photos de ces activités des semaines plus tard, je réalise à quel point mon imagination, basée sur les descriptions d'Uziel, était différente de la réalité. Les photos montrent des écrans de projection sur le bord de la route, un homme en train de peindre des chaises quelques heures seulement avant l'audience, et une salle de presse improvisée pour une table ronde avec des journalistes et des ambassadeurs de la justice. Uziel et Maryse me disent fièrement qu'ils « essaient de mettre toutes les chances de leur côté » avec les ressources à leur disposition, pour informer les communautés de ce qui se passe à La Haye.

Image
CAR-pop-up

Dans certains cas, j'apprends que les projections peuvent même être organisées dans des lieux où des crimes auraient été commis. « N'est-ce pas difficile pour les personnes qui assistent à la projection ? », je demande. 

« Ce n'est pas le lieu qui a un impact sur les communautés, mais plutôt les preuves qui sont présentées lors de l'audience. C'est ça qui est difficile », répond Uziel. 

Maryse n'est souvent pas la première à prendre la parole, mais ici, elle rebondit sur ce que son collègue dit, ajoutant que – dans certains cas – les lieux où des crimes auraient été commis sont devenus des lieux de réconciliation et de refuge, réunissant les deux principales communautés religieuses du pays. « Le fait d'organiser un événement dans un tel lieu signifie que toutes les communautés peuvent participer et se sentir en sécurité », explique-t-elle.

Image
CAR-hearing

Atteindre les communautés – est-ce que le processus s'est toujours déroulé sans problème ou se sont-ils heurtés à des obstacles, je leur demande. « Dans toute activité, il n'y a pas que des succès, il y a aussi des échecs, et nous les prenons et en faisons notre force pour la prochaine fois », dit Uziel. Maryse ajoute qu'ils ont appris beaucoup de choses en cours de route. Par exemple, le sango légal est beaucoup plus compliqué que le français légal. De plus, ils savent maintenant que la population se mobilise et qu'ils devront « prévoir une participation plus importante » à l'avenir. « L'intérêt que nous observons lors de tels événements confirme l'importance des activités que nous organisons. Une part essentielle du travail consiste non seulement à retransmettre les audiences, mais aussi à faciliter les échanges et la compréhension des processus judiciaires », me disent-ils.

Image
CAR-media

Les fonctionnaires sur le terrain consacrent une grande partie de leur temps à sensibiliser le public au travail de la CPI. Le bureau en République centrafricaine ne fait pas exception à la règle. « Nous recevons beaucoup de commentaires sur le terrain concernant les audiences qui ont lieu à La Haye, qui est loin de la République centrafricaine. Les gens disent : 'Nous ne participons pas, comment est-ce possible ? Pourquoi ?’ Nous recevons beaucoup de commentaires de ce genre : les gens veulent se sentir impliqués. C'est l'occasion de s'engager réellement auprès des communautés et de réduire ce sentiment de distance entre les personnes touchées par les crimes et la salle d'audience », déclare Maryse.

Image
CAR-streaming

Même s'il faut des heures pour atteindre les communautés situées dans des endroits comme Carnot, Bossangoa ou Bérberati, Maryse et Uziel s'y rendent régulièrement. Par exemple, ils rencontrent les communautés, diffusent les audiences importantes, parlent des droits des victimes ou expliquent les procédures judiciaires et les décisions prises par les juges. Dans ces endroits, où il est difficile de recevoir et de transmettre des informations, le travail des fonctionnaires sur le terrain a le plus d'impact. Savoir que les communautés ont accès aux connaissances et aux informations donne de l'importance à leur travail.