Communiqué de presse: 18 juillet 2019

Affaire Lubanga : la Chambre d’appel confirme la décision de la Chambre de première instance II fixant le montant des réparations auxquelles Thomas Lubanga Dyilo est tenu

ICC-CPI-20190718- PR1473
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Aujourd'hui, 18 juillet 2019, la Chambre d'appel de la Cour pénale internationale a rendu l'arrêt relatif à deux appels interjetés sur le fondement de l'article 82‑4 du Statut par Thomas Lubanga et le groupe de victimes V01 contre la Décision fixant le montant des réparations auxquelles Thomas Lubanga Dyilo est tenu, rendue par la Chambre de première instance II le 15 décembre 2017. La Chambre a confirmé en grande partie la décision attaquée. Piotr Hofmański, juge président dans le cadre de ces appels, a lu un résumé de l'arrêt en audience publique.

Dans sa décision, la Chambre de première instance avait jugé que Thomas Lubanga était tenu à la somme de 10 000 000 dollars des États-Unis au titre des réparations dues à 425 victimes admises à bénéficier de réparations et « aux autres victimes qui pourraient être identifiées ». Le 15 janvier 2018, le groupe des victimes V01 et Thomas Lubanga ont interjeté appel de cette décision.

La Chambre d'appel a rendu son arrêt à l'unanimité, les juges Eboe-Osuji et Ibáñez Carranza joignant des opinions individuelles. La Chambre d'appel a confirmé la décision rendue par la Chambre de première instance, sous réserve d'une modification : les victimes n'ayant pas été admises par la Chambre de première instance à bénéficier de réparations et qui considèrent que c'est en raison d'un manque d'informations sur les conditions d'admissibilité qu'elles n'ont pas pu étayer suffisamment leurs allégations au moyen de pièces justificatives peuvent demander à ce que leur droit à réparation soit réexaminé par le Fonds au profit des victimes en même temps que celui des autres victimes susceptibles de se faire connaître dans le cadre de la mise en œuvre des réparations, comme envisagé par la Chambre de première instance. En outre, la Chambre d'appel a ordonné que toute recommandation relative à l'admissibilité des victimes aux réparations formulée par le Fonds au profit des victimes soit soumise à la Chambre de première instance pour approbation.

Judgment on the appeals against Trial Chamber II's 'Decision Setting the Size of the Reparations Award for which Thomas Lubanga Dyilo is Liable'

Separate Opinion of Judge Eboe-Osuji

SEPARATE OPINION OF JUDGE LUZ DEL CARMEN IBÁÑEZ CARRANZA

Contexte : Thomas Lubanga Dyilo est un des fondateurs de l'Union des patriotes congolais (UPC), dont il a été Président, et des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), dont il a été commandant en chef. Le 14 mars 2012, la Chambre de première instance I de la Cour pénale internationale l'a déclaré coupable, en tant que coauteur, des crimes de guerre de conscription et d'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans les FPLC et du fait de les avoir fait participer activement à des hostilités entre septembre 2002 et août 2003. Le 10 juillet 2012, il a été condamné à une peine totale de 14 ans d'emprisonnement. Le 1er décembre 2014, la Chambre d'appel a confirmé la déclaration de culpabilité et la décision relative à la peine de 14 ans d'emprisonnement. Le 19 décembre 2015, Thomas Lubanga a été transféré à la prison de Makala en RDC pour y purger sa peine.

Opinion individuelle de la juge Ibáñez Carranza

Le 16 septembre 2019, la juge Ibáñez Carranza a déposé une opinion individuelle dans laquelle, tout en souscrivant au dispositif de l'arrêt rendu par la Chambre d'appel le 18 juillet 2019, elle expose en détail et clarifie diverses questions relatives aux réparations dans l'affaire Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo. Cette opinion a essentiellement pour but de renforcer l'arrêt rendu et d'améliorer la procédure de réparation, surtout au stade de la mise en œuvre des mesures ordonnées.

En particulier, la juge Ibáñez Carranza a rappelé que le droit à réparation est un droit de l'homme internationalement reconnu, qu'il doit permettre de remédier aux dommages causés et que son contenu se retrouve dans le principe restitutio in integrum (réparation intégrale) dont les cinq aspects principaux sont : la restitution, l'indemnisation, la réadaptation, la satisfaction et les garanties de non‑répétition. Elle a souligné que l'indemnisation financière n'est pas l'aspect le plus important des réparations. Selon elle, la réparation a fondamentalement pour but de permettre aux personnes de retrouver leur dignité humaine et de se restructurer tant à titre individuel qu'au sein de la société.

La juge Ibáñez Carranza a également fait observer qu'eu égard à la nature des terribles crimes qui relèvent de la compétence de la Cour, impliquant des violations flagrantes des droits de l'homme, il convient de mener les procédures de réparation en tenant compte d'un large éventail de principes et de normes applicables en matière de droit international des droits de l'homme, ainsi que d'une jurisprudence spécialisée, qui s'unissent et se combinent aux dispositions du Statut de Rome. D'après la juge, en l'espèce, le dommage spécifique causé au projet de vie des anciens enfants soldats doit être pris en considération et réparé convenablement, et il faut pour cela leur offrir à nouveau la possibilité et les moyens de se reconstruire et de s'épanouir comme des êtres humains à part entière. La juge a en outre relevé que le cadre juridique établi par le Statut de Rome prévoit la possibilité d'accorder des réparations à des victimes potentielles et qu'en l'espèce, les catégories de victimes potentielles ont été définies sur la base de paramètres géographiques, temporels ou autres arrêtés dans des décisions antérieures de la Cour.

Enfin, la juge Ibáñez a fait observer que, compte tenu de la situation extrêmement difficile dans laquelle les victimes se trouvent (conflit en cours ou situation d'après-conflit) et qui les empêche souvent d'obtenir des preuves suffisantes de leur qualité de victime, du préjudice subi et/ou du lien de causalité, la charge de la preuve doit, à la Cour, être partagée entre les victimes et le système établi par le Statut de Rome, selon une approche institutionnelle et technique. D'après la juge, il est primordial que les futures procédures de réparation soient menées objectivement et avec l'assistance d'experts et de professionnels, afin que les parties concernées puissent exercer pleinement leurs droits procéduraux et humains, en particulier les droits reconnus aux personnes déclarées coupables.

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Pour toute information complémentaire, veuillez contacter Fadi El Abdallah, Porte-parole et Chef de l'Unité des affaires publiques, Cour pénale internationale, au +31 (0)70 515-9152 ou +31 (0)6 46448938 ou à l'adresse [email protected].

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