Sensibilisation en RDC : Auditorat Général des Forces Armées - vieilles connaissances et nouvelles perspectives
Par Patrick Tshibuyi Wa Tshibuyi
Ce matin, j’arrive au bureau beaucoup plus tôt que d’habitude. Je parcours mes mails et je traite les urgences : je serai absent une grande partie de la journée. Je dois faire une présentation sur la CPI à des inspecteurs de la police judiciaire militaire de l’Auditorat Général, à Kinshasa, en République démocratique du Congo. Dès la première collaboration avec l’Auditorat Général, en 2017, nous avions animé cinq sessions d’information à l’intention des magistrats militaires, dans plusieurs villes de la RDC.
Dans la voiture qui me conduit au lieu de l’activité, je me souviens comment tout a commencé. En 2017, l’Auditeur Général des Forces Armées, chef de l’Auditorat Général, demande au Bureau Pays de la Cour pénale internationale en République démocratique du Congo d’animer une session d’information sur le mandat et le fonctionnement de la CPI à l'intention de ses hauts magistrats militaires. Ce fut un événement important pour la CPI en RDC. L’Auditeur Général des Forces Armées est la plus haute autorité judiciaire du parquet militaire du pays, il a notamment pour mandat les enquêtes et la poursuite des crimes graves. Il est de ce fait souvent sollicité dans le cadre des demandes de coopération avec la CPI.
La cheffe de bureau m’avait demandé de préparer et d’animer cette première session. Cela fait plusieurs années que je m'occupe du programme de sensibilisation des professionnels du droit. J'anime à cet effet des sessions d'information et de formation des avocats et des magistrats mais là, j'allais, pour la première fois, m’adresser à des hauts magistrats de l’Auditorat Général.
Pendant plus d’une semaine, j’ai préparé mon exposé sur Powerpoint. La règle que j'applique, par expérience, c’est le respect de la méthodologie et du jargon juridique ainsi que la prise en compte des besoins spécifiques des juristes. Je dois reconnaitre que ma formation universitaire en droit m'aide énormément dans les interactions avec ce public.
Le jour J, à l'Auditorat Général des Forces Armées, à Kinshasa, il y avait une quinzaine de hauts magistrats militaires dans la salle. Ces derniers ont de l’expérience dans les enquêtes et la poursuite des crimes graves. Le Directeur de cabinet de l’Auditeur Général, haut magistrat également, devait aussi faire une présentation sur la coopération entre la RDC et la CPI. Je me trouvais donc face à un public avisé. Quelles seraient leurs attentes? Serais-je à la hauteur ? Quelques minutes avant le début, je me concentre sur mes notes, je prends une profonde respiration, je commence…
Cette première activité a été la porte d’entrée de notre programme de sensibilisation à l’Auditorat Général. La même année, toujours à la demande de l’Auditeur Général, j’ai animé des sessions d'informations pour les magistrats militaires des auditorats supérieurs militaires à Kinshasa, Bunia, Goma, Bukavu. En 2019, l’Auditorat Général a intégré le Bureau Pays de la CPI dans le programme de formation spéciale des Inspecteurs de la police judiciaire militaire. Une journée de formation est consacrée à la CPI.
La sensibilisation des professionnels du droit crée un lien entre les procédures de la CPI et le système judiciaire national. Elle permet d’équiper les praticiens d’informations précises et les habilite à eux-mêmes transmettre ces connaissances. C’est important car les tribunaux au niveau national sont ceux qui ont le premier rôle dans la poursuite des crimes. Le rôle de la CPI est complémentaire - elle n’intervient qu’en dernier recours, uniquement si les autorités nationales ne peuvent pas ou ne veulent pas agir.
Cette journée de 2017 fut tout sauf ordinaire. Elle a marqué le début d’une période intense mais gratifiante pour moi. Aujourd’hui, quand je suis invité à faire une présentation aux magistrats des différents auditorats, je suis encore hyper-motivé. Mon enthousiasme est intact, l'adrénaline monte et je passe par les mêmes étapes : Je me concentre sur mes notes, je prends une profonde respiration, je commence …
