Communiqué de presse: 19 septembre 2016

La Chambre de première instance V(B) de la Cour pénale internationale prend acte de la non coopération du Gouvernement kényan et en réfère à l’Assemblée des États parties au Statut de Rome

Situation : République du Kenya
Affaire : Le Procureur c. Uhuru Muigai Kenyatta

Le 19 septembre 2016, la Chambre de première instance V(B) de la Cour pénale internationale a rendu une décision par laquelle elle a conclu que la République du Kenya ne s'était pas acquittée de son obligation de coopérer avec la Cour et a décidé d'en référer à l'Assemblée des États parties au Statut de Rome (« l'Assemblée ») , considérant que celle–ci serait la mieux placée pour agir face à ce défaut de coopération et inciter le Gouvernement kényan à coopérer avec la Cour.

Le 29 novembre 2013, l'Accusation avait déposé une demande  tendant à ce que la Chambre de première instance V(B) prenne acte de la non-coopération du Gouvernement kényan, alléguant que celui-ci n'avait pas accédé à une requête le sommant de produire des documents concernant Uhuru Kenyatta. Le 3 décembre 2014, la Chambre avait  rejeté cette demande, qui sollicitait également de sa part qu'elle porte la question devant l'Assemblée. Le Procureur avait interjeté appel  de cette décision le 20 mars 2015. Le 19 août 2015, la Chambre d'appel avait annulé la première décision et renvoyé la question devant la Chambre de première instance.

Après avoir reçu de nouvelles observations de la part de l'Accusation, du représentant légal des victimes et du Gouvernement kényan, et à la lumière des orientations données dans l'arrêt rendu par la Chambre d'appel, la Chambre de première instance V(B) a rappelé qu'elle avait conclu le 3 décembre 2014 que le Gouvernement kényan avait manqué à l'obligation que lui impose le Statut de Rome de coopérer de bonne foi avec la Cour, et a en outre relevé qu'à ce jour, cet état de fait persistait malgré une période de contrôle judiciaire actif et que les procédures relatives aux demandes de coopération étaient désormais dans l'impasse. La Chambre a également relevé que 18 mois supplémentaires s'étaient écoulés et qu'en dépit du fait que le Gouvernement kényan restait tenu, en vertu du Statut, de se conformer à toute demande de coopération émanant de la Cour, aucun progrès ne semblait avoir été réalisé en ce qui concerne l'exécution de la requête de l'Accusation. La Chambre de première instance V(B) a conclu ce 19 septembre que la République du Kenya a manqué à l'obligation que lui impose le Statut de consulter la Cour et de prendre toutes les mesures raisonnablement possibles pour accéder à la demande de coopération émanant de la Cour, notamment parce qu'elle n'a pas fourni de réponses claires et pertinentes en temps voulu et n'a pas pris les mesures qui s'imposaient pour exiger la communication des informations demandées. Selon la Chambre, cette absence de coopération a empêché la Cour d'exercer les fonctions et pouvoirs qui lui sont conférés par le Statut.

La Chambre de première instance V (B), ayant à l'esprit qu'il a été mis fin à l'affaire concernant Uhuru Kenyatta et compte tenu de l'importance des pièces visées dans la requête de l'Accusation pour les enquêtes en cours ou à venir, a considéré qu'il est justifié d'en référer à l'Assemblée afin d'encourager une coopération plus large dans l'intérêt de toute enquête ou procédure en cours ou à venir dans le cadre de la situation au Kenya. La Chambre a ajouté que, d'un point de vue général, le fait que les autorités d'un pays faisant l'objet d'une situation ne coopèrent pas de bonne foi avec la Cour, comme le Gouvernement kényan en l'espèce, peut avoir de graves incidences sur le bon déroulement des procédures ultérieures.

Contexte : Conformément au Statut de Rome, le traité fondateur de la Cour, tous les États parties sont tenus de coopérer pleinement avec la Cour dans le cadre des enquêtes et des poursuites qu'elle conduit. Si un État partie n'accède pas à une demande de coopération de la Cour, l'empêchant ainsi d'exercer les fonctions et pouvoirs qui lui sont conférés par le Statut, les juges de la CPI peuvent prendre acte du manquement de cet État et en référer à l'Assemblée des États parties, ou au Conseil de sécurité si ce dernier avait saisi la Cour à propos de la situation concernée, afin de solliciter une aide extérieure en vue d'obtenir la coopération voulue concernant la demande en question ou d'agir de toute autre manière face au défaut de coopération de l'État requis. L'Assemblée des États parties et le Conseil de sécurité peuvent alors décider de prendre les mesures qu'ils jugent appropriées.

Uhuru Kenyatta était accusé en tant que coauteur indirect de cinq chefs de crimes contre l'humanité qui auraient été commis pendant les violences postélectorales survenues au Kenya en 2007-2008. Les charges à son encontre ont été confirmées le 23 janvier 2012 et l'affaire a été renvoyée en jugement devant la Chambre de première instance V(B). Le 13 mars 2015, la Chambre de première instance V(B) a décidé de mettre fin à la procédure dans cette affaire et de retirer la citation à comparaître à l'encontre de M. Kenyatta, notant le retrait par l'Accusation des charges portées à son encontre. La Chambre a également souligné que, bien que la procédure soit close, la Cour conserve sa compétence concernant toute manœuvre ou entrave concernant un témoin ou le recueil d'éléments de preuve, et que les mesures de protection ordonnées pour les témoins et/ou victimes restent en vigueur, sous réserve d'un examen par la Cour.

Second decision on Prosecution's application for a finding of non-compliance under Article 87(7) of the Statute

Pour plus d'informations sur cette affaire, cliquez ici


Pour toute information complémentaire, veuillez contacter Fadi El Abdallah, Porte-parole et Chef de l'Unité des affaires publiques, Cour pénale internationale, au +31 (0)70 515-9152 ou +31 (0)6 46448938 ou à l'adresse [email protected].

Les activités de la CPI peuvent également être suivies sur YouTube et Twitter