Communiqué de presse: 5 avril 2016

Affaire Ruto et Sang : La Chambre de première instance V(A) de la CPI clôt l’affaire sans préjudice de toutes nouvelles poursuites qui pourraient initiées à l’avenir

ICC-CPI-20160405-PR1205

Situation : République du Kenya
Affaire : Le Procureur c. William Samoei Ruto et Joshua Arap Sang

Aujourd'hui, 5 avril 2016, la Chambre de première instance V(A) de la Cour pénale internationale (« CPI » ou la « Cour ») a décidé, à la majorité de ses membres, Mme la juge Olga Herrera Carbuccia étant en désaccord, qu'il doit être mis fin à l'affaire concernant William Samoei Ruto et Joshua Arap Sang. Selon la majorité, cette décision n'empêche pas que soient engagées de nouvelles poursuites à l'avenir, que ce soit devant la CPI ou une juridiction nationale. Cette décision est susceptible d'appel.

La Chambre a examiné les requêtes présentées par William Samoei Ruto et Joshua Arap Sang demandant à la Chambre de conclure à l'insuffisance des moyens à charge, de prononcer un non‑lieu en faveur des deux accusés et de prononcer leur acquittement. La Chambre a aussi tenu compte des conclusions du Procureur et du Représentant légal des victimes et a entendu des arguments supplémentaires au cours des audiences tenues du 12 au 15 janvier 2016. Au vu des éléments de preuve et arguments présentés à la Chambre, M. le juge Chile Eboe‑Osuji, juge président, et M. le juge Robert Fremr, qui constituent la majorité, ont convenu d'annuler les charges et de prononcer un non‑lieu en faveur des deux accusés. Ils ont fourni des motifs distincts à cette décision.

M. le juge Fremr a conclu que les moyens à charge étaient insuffisants après les avoir évalués conformément à la décision rendue par la Chambre de première instance le 3 juin 2014, laquelle exposait les principes et la procédure régissant la présentation par la Défense d'une requête en insuffisance de moyens à charge. A son avis, l'Accusation n'a pas produit des moyens de preuve suffisants pouvant raisonnablement permettre à une chambre de première instance de déclarer les accusés coupables. Il a donc estimé qu'il n'y avait aucune raison de demander à la Défense de présenter ses moyens ou de prolonger davantage la procédure.

M. le juge Eboe‑Osuji, se ralliant à l'évaluation des moyens de preuve faite par M. le juge Fremr, a aussi conclu à l'annulation des charges et au non‑lieu en faveur des accusés sans préjudice de toutes nouvelles poursuites qui pourraient être initiées à l'avenir. Il a toutefois déclaré la nullité du procès car l'on ne saurait ignorer que les failles dans le dossier de l'Accusation peuvent être expliquées par les interférences dans la procédure au moyen de pressions exercées sur des témoins et d'ingérences politiques qui étaient raisonnablement susceptibles d'intimider les témoins, interférences dont la conséquence est avérée. Dans son opinion, M. le juge Eboe‑Osuji a également abordé différentes questions dont celles des réparations, des immunités et des éléments définissant les « crimes contre l'humanité ».

La majorité, ayant conclu que l'Accusation n'a pas présenté des éléments de preuve suffisants qui peuvent raisonnablement permettre à une chambre de première instance de déclarer les accusés coupables, a aussi conclu qu'un acquittement n'était pas l'issue qui s'imposait en l'espèce mais plutôt une annulation des charges et un non‑lieu en faveur des accusés. La majorité a aussi convenu que rien ne justifiait de requalifier les charges.

Mme la juge Herrera Carbuccia a joint à la décision une opinion dissidente. Selon elle, les charges portées à l'encontre des deux accusés ne devraient pas être annulées car une telle issue s'écarte de la norme posée par la Chambre de première instance dans sa décision du 3 juin 2014. Elle estime que la thèse de l'Accusation ne s'est pas « effondrée » et a conclu qu'il existait des preuves suffisantes qui, si elles étaient admises, pouvaient raisonnablement permettre à une chambre de première instance de déclarer les accusés coupables.

Rappel de la procédure

Le procès de William Samoei Ruto et Joshua Arap Sang s'était ouvert le 10 septembre 2013. William Samoei Ruto et Joshua Arap Sang étaient accusés de crimes contre l'humanité (meurtre, déportation ou transfert forcé de population et persécution) qui auraient été commis dans le contexte des violences postélectorales au Kenya en 2007-2008.

Au cours des 157 jours de procès, la Chambre de première instance a entendu 30 témoins de l'Accusation, dont deux témoins experts. Durant cette période, elle a admis 335 pièces présentées par l'Accusation, 226 pièces présentées par la Défense de M. Ruto et 82 pièces présentées par la Défense de M. Sang. Lorsque l'Accusation a achevé la présentation de ses moyens le 10 septembre 2015, le dossier des preuves contenait 92 photographies, 27 cartes, 77 documents audiovisuels et l'équivalent de plus de 8 000 pages d'éléments de preuves documentaires. Au cours du procès, la Chambre de première instance a rendu (oralement ou par écrit) plus de 400 décisions.

À la fin de la présentation des moyens de l'Accusation, la Chambre avait admis les témoignages préalablement enregistrés de cinq témoins de l'Accusation en raison de la véracité de leur contenu. Toutefois, le 12 février 2016, la Chambre d'appel a jugé ces témoignages inadmissibles. La présente décision est par conséquent rendue sur la base du dossier des preuves tel qu'il existait au 10 septembre 2015 (lorsque l'Accusation a achevé la présentation de ses moyens), exception faite des témoignages préalablement enregistrés des cinq témoins en question.

  • Vidéo : Déclaration, Porte-parole de la CPI Fadi El Abdallah, 5 avril 2016

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