Déclaration: 18 juillet 2019

Déclaration du Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale prononcée lors de la conférence de presse donnée à Dhaka (Bangladesh)

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Mesdames et Messieurs,

Je vous souhaite la bienvenue et je remercie chacun d'entre vous de son intérêt et de sa présence aujourd'hui. Avant de répondre à vos questions, j'aimerais tout d'abord aborder quelques points importants.

Je m'appelle James Stewart et je suis le procureur adjoint de la Cour pénale internationale (« CPI » ou la « Cour » ). Je suis ici aujourd'hui à la demande du Procureur de la CPI, Fatou Bensouda, dans le contexte de sa récente requête, présentée le 4 juillet 2019 aux juges de la CPI afin d'obtenir l'autorisation d'ouvrir une enquête sur des crimes contre l'humanité qui auraient été commis contre le peuple rohingya de Birmanie. Conformément aux règles établies dans le traité fondateur de la CPI, les juges examineront la requête du Procureur Bensouda et rendront leur décision. Étant donné qu'ils ne se sont pas encore prononcés sur cette question, je souhaiterais que tout le monde comprenne bien que le but de notre visite au Bangladesh aujourd'hui n'est pas d'enquêter ou de recueillir des éléments de preuve.

Nous sommes ici pour nous mettre en contact avec le Gouvernement et les autres parties concernées, notamment dans les régions touchées, et expliquer le déroulement du processus à la CPI, répondre aux questions à ce sujet et apporter des précisions quant à l'état d'avancement de la procédure judiciaire.

Je tiens par conséquent à remercier, au nom du Procureur Bensouda, les autorités bangladaises qui ont facilité notre visite et nous ont apporté un soutien logistique. Je voudrais remercier, en particulier, le Ministère des affaires étrangères, le Ministère de l'intérieur et le Ministère du droit, de la justice et des affaires parlementaires de nous avoir reçus.

La CPI a été créée pour connaître des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et du crime de génocide commis depuis le 1er juillet 2002 et du crime d'agression, depuis le 17 juillet 2018, sur le territoire d'un État membre du traité de la CPI – que nous appelons État partie – ou par des ressortissants d'un État partie. Toutefois, nous sommes une juridiction de dernier recours et nous sommes uniquement en mesure d'agir lorsque les autorités nationales n'enquêtent pas sur ces crimes et n'engagent pas de poursuites.

Il est important de noter que, contrairement à la Birmanie, le Bangladesh est un État partie à la CPI, ce qui signifie que toute enquête éventuelle ne pourrait se concentrer que sur des crimes qui auraient été commis en partie sur le territoire bangladais.

C'est au terme d'un « examen préliminaire » portant sur des allégations de crimes qui nous ont été rapportées par un certain nombre de sources que le Procureur Bensouda a présenté sa requête aux juges de la CPI.

Au terme de son analyse, elle a conclu qu'il existait une base raisonnable permettant de croire qu'au moins 700 000 Rohingya avaient été déportés de la Birmanie vers le Bangladesh par divers moyens coercitifs et que leur droit de rentrer dans leur État d'origine ayant été bafoué, ils avaient enduré de grandes souffrances ou de graves atteintes. En outre, il existe une base raisonnable permettant de croire que les Rohingya ont été persécutés du fait des crimes présumés. Il serait indispensable, dans le cadre d'une enquête sur la déportation et les autres crimes présumés commis, d'enquêter sur les actes de violence qui n'auraient laissé d'autre choix aux Rohingya que de fuir la Birmanie.

Notre mandat s'inscrit dans un cadre strictement juridique. La CPI et le Bureau du Procureur n'ont aucun rôle politique à remplir. La CPI est une institution judiciaire permanente et indépendante. Si nous sommes autorisés à ouvrir une enquête, nous travaillerons dans le strict respect de la loi, et donc en respectant le cadre juridique du traité de la CPI, qui régit nos activités. Nous agirons en toute indépendance, impartialité et objectivité, des principes qui guident l'ensemble de nos décisions et de nos actions.

Nous ne saurions en aucun cas nous immiscer dans le débat politique national ou nous laisser influencer par les relations interétatiques. Notre mandat s'inscrit dans un cadre tout à fait distinct.

En qualité d'organe chargé des poursuites, notre objectif est que justice soit rendue aux victimes dès lors que nous pouvons exercer notre compétence, en établissant la vérité quant aux faits en cause et en traduisant en justice les personnes qui portent la responsabilité la plus lourde dans ces crimes. À cet égard, la coopération concrète et efficace, en temps opportun, de toutes les parties prenantes est cruciale pour que le processus judiciaire fonctionne correctement à tous les niveaux et pour que nous ayons toutes les chances de réussite.

Permettez-moi également de souligner que, bien qu'il soit possible pour le public de suivre les procès à la CPI, il n'est pas possible pour le public de suivre l'état d'avancement des enquêtes. Par principe, le Bureau s'abstient de tout commentaire sur les enquêtes en cours ou sur l'éventuelle délivrance de mandats d'arrêt. Ceci permet d'éviter d'attiser les spéculations. Il est indispensable de préserver la confidentialité des informations au cours d'une enquête afin de préserver l'intégrité du dossier et d'assurer la protection de toutes les personnes concernées. Nous comptons sur votre compréhension.

Enfin, lorsque les juges de la Cour se seront prononcés sur la demande du Procureur, la Cour publiera un communiqué pour informer le public, comme le veut la pratique habituelle.

Je vous remercie pour votre attention. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le Bureau du Procureur de la CPI mène des examens préliminaires, des enquêtes et des poursuites à propos du crime de génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et du crime d'agression, en toute impartialité et en toute. indépendance Depuis 2003, le Bureau enquête sur plusieurs situations relevant de la compétence de la CPI, notamment au Burundi, en Côte d'Ivoire, au Darfour (Soudan), en Géorgie, au Kenya, en Libye, au Mali, en Ouganda, en République centrafricaine (deux situations distinctes) et en République démocratique du Congo. Le Bureau conduit également des examens préliminaires à propos des situations en Colombie, en Guinée, en Iraq/Royaume-Uni, au Nigéria, en Palestine, aux Philippines, en Ukraine et au Venezuela.

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Source: Bureau du Procureur | Contact: [email protected]